Dix raisons d’attendre (ou non) l’album de Kanye West et Kid Cudi

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Yeezy Season approachin’. De retour sur Twitter, Kanye West a annoncé la sortie prochaine de deux nouveaux albums, dont celui de Kids See Ghost, un groupe qu’il formera avec Kid Cudi. Le point d’orgue d’une relation discontinue, qui les a successivement vu se flatter, se soutenir, puis se déchirer. De quoi se montrer impatient… mais pas trop non plus.

Si les artistes rêvent d’influencer la musique dans laquelle ils officient, tous souhaitent secrètement avoir l’impact qu’ont Kanye West et Kid Cudi au quotidien. Les natifs de Chicago et de Cleveland ont fait des années 2000 leur terrain de jeu, et alors même que le hip-hop post-2005 était en perte de vitesse et montrait des signes de faiblesses, ils participent tous deux au renouveau du genre en 2008, ouvrant le rap vers de nouvelles perspectives et de plus grandes ambitions. Si les deux sont autant proches, c’est que Kid Cudi se lance dans la musique par passion pour celle de Kanye West, entre autres. De l’autre côté de la barrière, l’album 808’s and Heartbreak ne voit le jour que par l’impact de la mixtape A KiD Named CuDi sur celle de Kanye : les deux compères ne cessent de s’influencer par ricochet, s’inspirant mutuellement. De ce fait, l’annonce d’un album en commun, plus qu’attendu par le public depuis bien des lustres, ne peut que ravir le quelconque auditeur, et ce même en sachant que ce n’est pas sans risques. Voici autant de raisons d’être excités et prudents quant à la sortie prochaine de Kids See Ghost.

 

Pour | « Erase Me », leur collaboration emblématique

Si les collaborations entre Mr. West et Scott Mescudi se comptent sur les doigts de la main, le majeur sera surmonté du morceau « Erase Me », le plus gros succès commercial de toutes leurs diverses affiliations. Un majeur envers l’industrie, histoire de prouver que deux individus, critiqués pour leurs égos surdimensionnés, peuvent s’accoupler le temps d’un morceau et gravir les échelons des charts US. En tant que single principal du second album de Kid Cudi, Man on the Moon II : The Legend of Mr. Rager, il démontre indubitablement la capacité des deux compères à pouvoir faire des hits, non seulement en solo, mais aussi ensemble. L’album retrace l’évolution physique et psychologique de l’auteur à toutes les étapes d’une soirée, divisée en cinq parties chronologiques. Présent sur l’acte 3, sobrement intitulé « Party On », « Erase Me » est le climax, tant de la soirée que du projet. Une pure dose de bonne humeur malgré le dramatique ton emprunté par Cudi, qui nous montre d’ailleurs, une énième fois, qu’il dispose d’une science du refrain rarement égalée. Il ne manquait plus qu’un couplet de Kanye West pour que la magie opère. Facile.

Contre | « Erase Me », pas mémorable pour autant

Néanmoins ,si la magie opère, c’est seulement de manière à gagner une portée commerciale. D’un point de vue qualitatif, « Erase Me » est peut-être le moins bon morceau issu de leurs différentes collaborations. Kanye s’offre un passage des moins mémorables, et même si la performance de Cudi remonte très largement le niveau, il n’en reste qu’il n’y a, finalement, guère d’alchimie. Là où « Welcome to Heartbreak » a su montrer la synthèse parfaite entre les deux artistes, comme en symbiose le temps d’une chanson, « Erase Me » manque d’âme, d’exigence et du côté « humain » que l’on retrouve dans la musique de chacun. Si « Welcome to Heartbreak » marche si bien, c’est qu’il y a un concept, une ambition, une envie organique de collaborer, car c’est ainsi que Kanye fonctionne : il ne collabore pas juste pour « collaborer », il tire le meilleur des gens dont il a « besoin ». Le natif de Chicago est également derrière la production du morceau, alors sans doute que l’univers musical était trop stable pour ne pas pouvoir y synthétiser le meilleur des capacités de chacun.

Pour | Ils peuvent s’entourer de qui il veulent, quand ils veulent

Pour faire de la bonne musique, il faut s’entourer de bons musiciens, les meilleurs, surtout ceux qui officient dans des styles aussi variés que tangibles. Si Kanye veut faire du gospel, il ne va pas s’y tenter de lui-même, étant bien conscient de ses capacités, mais n’hésitera pas à faire directement appel à des chanteurs de gospel. Pas des moindres en plus, en témoigne la participation de Kirk Franklin sur le morceau « Ultralight Beam ». En véritable chef d’orchestre, il saura en plus créer un lien solide entre tous les talents qui participent à la conception de son morceau, comme a pu le montrer l’un des plus importants reportages back-stage sur l’histoire de My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Quand le téléphone sonne et qu’on y voit marqué « Kanye West », on ne refuse pas l’invitation car on sait d’office qu’on participe à un projet d’une envergure gigantesque. Et si on a le malheur d’hésiter pour cause de calendrier chargé, il suffit simplement que le nom de « Kid Cudi » soit à moitié cité dans la conversation pour que l’emploi du temps se libère. C’est la véritable force que les deux artistes ont réussi à acquérir au fil du temps : on ne refuse pas l’invitation de Kanye West, et quand il travaille avec Kid Cudi, on se tait et on fait sa valise le plus rapidement possible. Avoir la chance de participer à un morceau du duo, c’est le coup assuré d’une légitimité artistique globale et d’un sacre éternel dans l’industrie. Reste désormais à savoir si les glorieux invités qui ont récemment rejoint Yeezy dans les montagnes du Wyoming ont bel et bien contribué à la création du projet Kids See Ghost.

Contre | Ils n’ont jamais trouvé le parfait équilibre en duo

Si les deux artistes ont pu collaborer en « duo unique » quelques fois, il n’en reste que la plupart de leurs affiliations musicales s’est fait en compagnie d’une ribambelle de musiciens tout aussi talentueux. Que ce soit Rihanna, Fergie, Elton John ou Alicia Keys sur « All of the Lights », Raekwon sur « Gorgeous », toute l’équipe de G.O.O.D Music sur « The Morning », ou encore Kelly Price sur « Father Stretch My Hands Pt. 1 », les apparitions de Kid Cudi sont schématiquement utilisées de manière à améliorer le morceau en question. Quand Kanye West appelle son homologue de Cleveland à la barre, c’est pour en faire l’accessoire indispensable, la cerise sur le gâteau, le secret du chef. Malheureusement, le duo est aussi connu pour être respectivement des savants fous, des expérimentateurs compulsifs, et tandis que Kanye s’en sort toujours indemne, Scott Mescudi s’est souvent pris l’explosion dans la figure – en témoigne sa carrière post-Man of The Moon. De ce fait, s’entourer d’un large panel de musiciens au talent indubitable leur permet de canaliser leurs envies et structurer leur musique, de manière à ce que la balance ne soit pas déséquilibrée et que leur expérience ne vire pas à l’échec cuisant.

Pour | Kid Cudi est une boussole pour Kanye, Kanye est une boussole pour Kid Cudi

C’est un secret de polichinelle : 808’s & Heartbreak n’aurait sans doute pas vu le jour si Kanye ne s’était pas, à un moment donné, retrouvé dans les tourments de Scott Mescudi. Quand on mesure l’impact de ce disque sur le hip-hop moderne, où la vulnérabilité n’est plus une tare, ainsi que sur la suite que Yeezy a donné à sa propre carrière, on ne peut que se réjouir de le voir retrouver celui qu’il a un jour présenté comme « l’artiste le plus influent de ces dix dernières années. » D’autant que la réciproque est tout aussi vraie : Kid Cudi n’a jamais été aussi bon que lorsqu’il a pu s’appuyer sur Kanye West. Le natif de Chicago avait chapeauté le premier Man on The Moon, puis s’était invité sur le second. Ces deux opus sont encore aujourd’hui les plus marquants de la discographie de Cudi, en plus d’être les traces les plus évidentes de l’héritage qu’il est voué à laisser derrière lui. À contrario, son indépendance correspond à une période d’errements, durant laquelle beaucoup pensaient avoir perdu l’artiste qu’ils avaient tant aimé. Au moins jusqu’en février 2016 et la sortie de « Father Stretch My Hands Pt. 1 », sa première véritable collaboration avec Ye depuis qu’il a quitté G.O.O.D Music. Comme quoi.

Contre | C’est un trône bancal

Quand Kanye décidait en 2011 de former un tandem avec un autre artiste, son compagnon de route n’était nul autre que le grand Jay-Z. Si l’on considère que Mr. West est un génial producteur à défaut d’être le plus habile au micro, Jigga n’est pas loin d’être son exact opposé. En plus de se compléter, les deux hommes boxaient assurément dans la même catégorie, à savoir celles des légendes de leurs disciplines. Impossible d’en dire autant de Scott Mescudi. Certes, ses die-hard fans rétorqueront – à juste tire – que l’enfant de Cleveland a été l’une des inspirations majeures de Ye. Mais Cudi est à l’image de Marcelo Bielsa, cet entraîneur sans palmarès pourtant cité en références par quelques uns des meilleurs coachs du football contemporain : sa carrière est en tout point imparfaite, mais ses idées fortes ont été reprises, développées, perfectionnées par d’autres – dont Kanye West – qui ont su en faire quelque chose de grand. Ce qui ne signifie pas pour autant que Kid Cudi est aussi surdoué que son binôme.

Pour | Ils sont capables de tout

Si Cudi et Kanye sont aussi réputés et acclamés, tant dans l’industrie que chez le public, c’est qu’ils ont brisés la plupart des tabous que pouvait avoir le rap vis-à-vis du mélange des genres. D’un côté, Scott a passé le plus clair de sa discographie à s’aventurer dans des contrées que peu auraient été tentés d’explorer. De l’autre, Kanye n’a jamais cessé de vouer une gloire sans précédent au concept « d’oeuvre d’art », dans une constante volonté de repousser les barrières lui-même avant de les dépasser, histoire d’être dans un renouveau aussi actuel que qualitatif. Ce qui est sûr, c’est que tous les albums du chicagoan ont été des game-changers, à différents degrés. Il en va de même pour les premières sorties de Kid Cudi. Tout peut arriver, tout est possible, ils savent manier à peu près tous les styles : on a plus qu’à prier pour que l’exigence créative de Mr. West ait réussi à synthétiser et canaliser la ferveur artistique de Scott Mescudi.

Contre | Kid Cudi n’a sorti aucun grand projet depuis 2010

Ses lettres de noblesse acquises à la faveur des bouleversants Man on The Moon, Cudi s’émancipe progressivement de Kanye West, Emile Haynie et Plain Pat – ses mentors – pour avoir un peu plus la mainmise sur son art. Lui seul assurera toute la production de son troisième album, l’ambitieux mais terriblement bordélique Indicud. Depuis son départ de G.O.O.D Music, en 2013, Kid Cudi tâtonne, expérimente, se cherche sans jamais réellement se (re)trouver. Un jour il nous embarque dans une escapade lunaire avec SATELLITE FLIGHT: The journey to Mother Moon, un jour il s’essaye sans grande réussite au rock lo-fi avec Speedin’ Bullet 2 Heaven. Déroutant. À l’arrivée, force est de constater que sa discographie compte malheureusement plus de rendez-vous manqués que de disques mémorables.

Pour | Des deux albums prochains de Kanye, c’est le préféré de Kim Kardashian

C’est en tout cas ce qu’elle a tweeté peu après que Kanye ait communiqué les dates de sortie de ses projets à venir. Partons du principe que peu de personnes ont pu les écouter jusqu’à présent : l’avis de Kim K. n’est-il pas – à date – le plus pertinent, car le seul exprimé en connaissance de cause ? Peu avant le début du Saint Pablo Tour, Madame West avait déjà publié une playlist de ses 28 morceaux préférés de son compagnon, et entre « Say You Will », « Black Skinhead », « Runaway » ou « All Falls Down », ses choix s’avéraient tout à fait défendables. Alors pourquoi pas ?

Contre | … ce n’est « que » l’avis de Kim Kardashian

On parle tout de même de la personne qui nous a odieusement fait miroiter un retour des GOOD Fridays au début de l’année 2016. Bilan des courses : trois titres en l’espace d’un mois, dont « No More Parties in L.A », le featuring tant attendu entre Kanye West et Kendrick Lamar, publié… un lundi. Une arnaque, en gros. Comment peut-on désormais lui faire confiance ?

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