Stromae : « Égoïstement je voulais faire des vêtements pour moi car je ne trouvais pas ce dont j’avais besoin »
A l’occasion de la sortie de la seconde capsule de Mosaert, le collectif et label belge s’est rendu chez Colette pour présenter les pièces qui composent cette nouvelle collection. On en a profité pour les rencontrer, et poser quelques questions à l’instigateur du projet Stromae et la styliste Coralie Barbier.
Raconte-nous l’histoire du collectif ?
Stromae: On s’est rencontrés il y a deux ans, dans un cadre purement professionnel. Je connaissais de nom les graphistes du collectif, on s’était déjà croisés parce que Bruxelles est minuscule. Ils avaient déjà travaillé avec mon manager et mon frère auparavant, et je me suis rendu compte qu’il fallait faire confiance à des gens dont c’était le métier. Très égoïstement je voulais faire des vêtements pour moi, parce que je ne trouvais pas ce dont j’avais besoin. Je voulais aller vers la wax (type de pagne africain confectionné à l’aide de cire,ndlr), et à la suite de ma rencontre avec Coralie, qui m’a conseillé des techniques d’impressions numériques et d’autres choses que je ne connaissais pas, je me suis rendu compte qu’il fallait que je travaille avec des graphistes. C’est comme ça qu’on a fait mes premières pièces, qui ont aussi servies à mes clips en corrélation avec le projet Stromae, et on s’est dit pourquoi Mosaert n’existerait t’il pas à part entière ? C’est aussi pour cela qu’il porte le nom Mosaert. Que ce soit dans la musique, dans la vidéo, on essaye d’être le plus créatif possible.
Quelle est la ligne directrice, la philosophie du projet ?
Stromae: C’est le paradoxe et l’équilibre, même si c’est complètement subjectif, c’est de trouver un juste équilibre. Pour les vêtements par exemple, il y avait l’aspect wax qu’on voulait avoir, le coté européen anglais dandy et en même temps un surréalisme et des formes isométriques. Finalement, comme on se rapprochait trop du style anglais, notre équilibre on l’a trouvé un peu au milieu des deux. La volonté est de confronter des univers qui au premier abord ne pourraient pas cohabiter et d’essayer de donner quelque chose qui ressemble à un équilibre, que ce soit dans la musique, et dans tous les autres domaines du label.
Entre Mosaert ou Stromae, quel univers a inspiré l’autre ?
Stromae: C’est la musique qui me « drive », personnellement. Mais tout ne tourne pas toujours autour de la musique, c’est pour cette raison que Mosaert existe. On veut détacher Mosaert dans le but de créer des choses qui existent en elles-mêmes. La première capsule avait fait que Stromae et Mosaert soient fortement liés, mais finalement que ce soit au niveau des convictions, des raisons du lieu de fabrication, l’absence de merchandising sauvage, toutes étaient des raisons qui explique que l’on voulait s’écarter de l‘aspect musical et trop tourné autour du succès Stromae, même si ce n’est pas comme si on ne l’avait pas usé non plus, mais on ne voulait pas trop tomber dans la facilité. Par exemple les pièces de cette capsule n’ont jamais été portées par l’entité Stromae. Donc l’égoïste que je suis est puni.
On dénote le coté assez Dandy, de par les pièces élégantes et les coupes propres, fittées, et en même temps ce rappel Africain, avec la wax, ces imprimés « boubou ». D’où viennent ses influences ?
Coralie: On a baigné dans le métissage et il y a cette idée de souligner le pourquoi. Et le fait de venir de nulle part aussi, nous pousse à créer une nouvelle identité, et pas simplement reprendre les vieux boubous des tantines qui nous ont marqués. L’idée de Coralie que j’ai aussi appréciée, était de faire notre propre wax. Et elle avait raison, il faut créer son identité et ne pas toujours refaire ce qui a déjà été fait, il faut se faire son petit chemin sans se dire qu’on a tout réinventé. On garde les codes mais on les déstructure, pour ensuite les réadapter. Les codes de la wax sont géniaux, la manière dont ils utilisent la couleur, l’impression etc… Après on est dans une époque digitale ou tout se fait de façon différemment, mais il y a des choses a garder dans le visuel et a réinterpréter, en essayant de s’amuser un peu.
Dans vos visuels il existe une idée d’uniformité, qui va à l’encontre de la tendance qui loue la singularité et la personnalisation, est-ce un aspect que vous avez voulu développer ?
Stromae: C’est peut être inconscient de notre part, peut-être parce que c’est cela, être différent aujourd’hui. Nous, on le propose de cette façon, après les gens réadaptent et réinterprètent comme ils le veulent, donc je pense que ce coté un peu uniforme et très cartésien, est assez transparent. C’est aussi de manière logique qu’on arrive à la photo de classe, à ce truc un peu officiel parce qu’on trouve que c’est la façon la plus honnête de faire une photo, parce qu’on regarde l’objectif, il n’y pas de faux naturel et dans la mode cela manque souvent de sincérité. Sans vouloir critiquer qui que ce soit.
On sent également derrière ce projet, une envie et l’importance de mettre en avant un nouveau savoir-faire venu de Belgique, par l’inscription « Belgian Creative Label » notamment.
Nous avons nommé le label comme cela simplement car tous les membres de l’équipe Mosaert sont belges. C’est vrai que la notion de ‘savoir faire’ est importante pour nous car lorsque nous avons commencé à créer nos premières pièces uniques, nous avons travaillé avec des fabricants belges dans un premiers temps. C’était très intéressant pour nous de voir qu’il existe en Belgique des artisans passionnés par leur métier dans la maille, ou l’impression textile. Suite à cela il nous a paru logique de continuer à travailler avec eux pour la production. Cependant nous travaillons également au delà des frontières belges. En effet l’assemblage de nos pièces se fait au Portugal et nos chaussettes sont totalement réalisées en France… Notre envie en tout cas est de continuer à produire nos modèles en Europe
Même si le mot « Capsule » implique cette idée, autant par le nombre de pièces, de produits différents, que par le nombre de coloris, la capsule est très limitée. Pourquoi cette décision de réduire autant le choix ? Est ce une stratégie liée à l’exclusivité du produit, une envie d’optimiser votre efficacité ou le résultat d’une contrainte économique?
Un peu pour toutes les raisons que vous citez et surtout parce que nous sommes une toute petite équipe. Nous sommes un peu multi-tâches, on s’occupe de la création des motifs et des modèles, du suivi de production, de la création des visuels, de la gestion des points de ventes et du stock, de la préparation et de l’envoi des colis, et du service client. Pour nous c’est un nouveau projet, c’est pourquoi nous avançons petit à petit. A chaque capsule nous espérons proposer un article différent. Pour notre capsule n°2, nous avons par exemple ajouté un pull et des cardigans aux polos et chaussettes…
Il semble également important pour vous de positionner votre label dans un carcan haute gamme, de par la fabrication en Europe, le prix assez onéreux des produits, et la distribution exclusive de vos produits (3 shops seulement), pourquoi ce choix?
Coralie: Nous ne voulons pas spécialement nous positionner dans le haut de gamme, c’est juste que ça nous tenait à cœur de produire un Europe c’est pourquoi nos prix sont plus élevés que chez H&M par exemple ou encore Zara, de plus nous n’avons pas les mêmes quantités. Nos produits sont distribués dans 3 boutiques actuellement car nous commençons, mais nous espérons avoir d’autres points de ventes dans le futur.
Par conséquent à qui s’adresse vos produits?
C’est un peu difficile de répondre à cette question, car ce n’est pas à nous de faire ce choix. Nous faisons des modèles qui nous plaisent d’abord à nous, ensuite nous espérons qu’ils plairont à d’autres…
On sent un vrai un collectif uni derrière ce projet, néanmoins l’ombre de Stromae « pèse » énormément sur celui-ci. Si sa popularité aidera sans aucun doute le projet à se faire connaitre et ouvrira beaucoup de portes à Mosaert, n’avez vous pas peur que l’entité Stromae vampirise les attentions pour ne laisser finalement qu’un intérêt superficiel ou faussé au projet collectif?
C’est une remarque que nous nous sommes déjà faite, cependant lors de la sortie de notre première capsule nous avons été agréablement surpris par les retours de la presse et du monde de la mode. Il y a eu une bonne compréhension du travail réalisé derrière nos produits. Bien sûr, nous sommes bien conscients que le projet Stromae facilite notre visibilité. Les projets sont pour le moment intimement liés, cependant nous aimerions que nos capsules puissent également exister par elles-mêmes. Pour nous ça reste deux métiers différents. L’envie en tout cas est de continuer.
Mosaert, qu’est ce que cela signifie finalement ?
Coralie: C’est le nom du label de production créé par Paul (Paul Van Haver aka Stromae) lors de la sortie de son premier album (Cheese), Mosaert est un anagramme de Stromae et Maestro.
La capsule n°2 est visible sur le site de MOSAERT.
Photos HLenie