Les anecdotes du Père Rick Rubin

Rick Rubin s’est prêté au jeu des annotations du site Rap Genius – système permettant aux artistes et à n’importe quel utilisateur d’agrémenter des lyrics de précisions ou d’anecdotes – sur des morceaux choisis, en rapport ou non avec sa discographie. Le co-fondateur de Dej Jam et illustre producteur, fort d’une discographie de production s’étalant sur plus de trois décennies et des collaborations avec des artistes aussi divers que Run DMC, Public Enemy, Red Hot Chili Peppers, Shakira, Johnny Cash ou encore Slipknot, fait de Rick Rubin le candidat parfait pour remplir cet exercice.

 

Les Beastie Boys

 

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Rick Rubin revient notamment sur sa relation avec les Beastie Boys, groupe qu’il a aidé à faire monter et à développer.

« Le premier album que j’ai fait était Radio de LL Cool J, et le deuxième était Raising Hell, puis Licensed to Ill. J’ai aussi travaillé sur « Reign In Blood » de Slayer et « Electric » de The Cult. Je me souviens que Mike D m’a appellé alors que j’étais en studio avec The Cult pour me demander pourquoi un morceau des Beasties n’avait pas été fait. »

 

« 99 Problems » de Jay-Z

 

Il s’exprime en plusieurs occasions sur une de ses productions hip-hop les plus connues, le morceau « 99 Problems », extrait de l’album de Jay-Z, The Black Album. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur la conception de ce titre à part de la discographie du Brooklynite, notamment sur ses lyrics et la légendaire croyance voulant que Jigga n’ait jamais écrit ses textes :

« Je pense que Jay invente littéralement ses lyrics. Il se peut qu’il ait des concepts dans la tête, je ne suis pas sûr, mais j’imagine qu’il a déjà des idées de chansons, des sujets. Je ne pense pas qu’il parte d’une feuille blanche. »

 « Jay n’avait pas de paroles au départ. Je lui ai joué la piste et il a adoré. Je lui ai exprimé cette idée que Chris Rock avait environ « 99 Problems ». Il m’a dit : « Il y a cette chanson Ice-T appelé ’99 problems’ et le refrain est vraiment super, il y a probablement une chanson intéressante à faire avec ce refrain. » »

«  Jay a écrit le premier couplet en une vingtaine de minutes, assis à l’arrière de la salle de contrôle. Il faisait juste une sorte de chantonnement, pendant que nous faisions tourner la piste en boucle, et peut-être au bout de trente minutes, il a sauté et a dit : « We got it ». Il l’a fait dix fois, et chaque fois qu’il l’a fait, c’était différent. La plupart des mots étaient les mêmes, mais le phrasé était différent. Il avait écrit et mémorisé les mots, puis jouait avec différentes façons de le faire. C’était incroyable. »

« C’est le seul couplet qu’il ait écrit. C’est la première fois que je l’ai vu écrire un truc. Il l’a lu de son ordinateur portable. Il l’avait écrit durant la nuit. »

 

Enfin, le producteur revient sur la surprenante dédicace faite par le rappeur en fin de morceau « You crazy for this one Rick » :

« Quand nous avons terminé, pendant que nous faisions les finitions, j’ai enlevé les ad-lib de la chanson, avant qu’il ne me dise : « Non, non, ça reste.  » J’étais étonné, du genre  » Vraiment ? « Moi je viens d’une ère de hip- hop où nous ne faisions pas de shoutouts. Une ère pré-shoutout. »

 

Yeezus de Kanye West

 

Yeezus

 

Rick Rubin s’exprime aussi longuement sur Kanye West et sur la conception de Yeezus, auquel il a été invité à travailler sur le tard par le Chicagoan pour entièrement refaire la production de l’album, quelques jours avant sa date de sortie. Producteur exécutif du projet, il sera à l’origine de plusieurs changements, notamment la réduction du nombre de tracks de 16 à 10 sur la version finale. Ces quelques jours intensifs de travail avec le rappeur font de lui un témoin privilégié de la conception de Yeezus et du comportement de Kanye, dont il partage avec nous certains détails :

« Kanye est une combinaison d’application et de spontanéité. Il trouvera un thème qu’il aime rapidement, et ensuite il vit avec pendant un moment, sans nécessairement remplir tous les mots sur le moment. À la fin, il comble tous les trous. Il s’est même énervé quand je lui ai dit qu’il écrivait ses paroles rapidement. Il a raison, il laisse cogiter pendant une longue période, trouve le phrasé dans son cerveau, vit avec, puis les paroles apparaissent. Il commence vraiment à partir de cette chose très spontanée. Sur « Only One », beaucoup de ces paroles sont venus de manière spontanée avec des additions libres. La chanson est essentiellement « live », écrite dans l’instant. Certains mots ont été améliorés plus tard, mais la plupart étaient sortis de sa conscience, juste Kanye dans l’instant. »

« Kanye m’a dit que Yeezus était le premier album où il était heureux de la façon dont il est sorti. »

« Quand il jouait Yeezus pour moi, c’était comme, trois heures de trucs. Nous l’avons parcouru et avons réfléchi à ce qui était essentiel et ce qui ne l’était pas. C’était comme de décider d’un point de vue, et c‘était vraiment sa décision de le rendre minimal. Il répétait sans cesse que les sons n’étaient pas assez bons et qu’ils avaient besoins d’être encore travaillés. Quand il devait me laisser travailler sur certaines choses, il disait : « Tout ce que tu peux faire pour retirer des choses plutôt qu’en ajouter, faisons-le. »

« Nous en avons parlé avec Kanye de faire une version alternative de Yeezus, parce qu’il y’a tellement de versions de chansons, de magnifiques versions. Il existe des versions toutes aussi bonnes que celles qui sont sur l’album, mais juste différentes. Je sais qu’en tant que fan, j’aimerais les entendre. Peut-être un jour, quand il le voudra. Mais il existe ! Ce projet existe »

 

Rick Rubin, l’auditeur

 

Dans la multitude d’annotations, « DJ Double R » aborde également simplement ses goûts musicaux, commençant par exprimer son avis sur un album classique du hip-hop, The Chronic (1992) de Dr. Dre :

« Je n’ai jamais vraiment écouté The Chronic. Je suppose que je n’ai jamais aimé ce qui est lisse. Même avec Puff, qui a vraiment apporté du r’nb dans le hip-hop. Je préfère le hip-hop quand il n’a rien à voir avec le r’n’b. J’adore les breakbeats et les boîtes à rythmes de style b-boy. Je n’ai jamais aimé les trucs lisses. »

En 2000 sort le second album du chanteur D’Angelo, Voodoo. Cet opus connaîtra un immense succès commercial et se verra acclamé par la critique, trustant nombre de places d’honneurs dans les classements d’albums de l’année et sera la pierre fondatrice du genre néo soul. Rick Rubin n’est pas passé à côté de ce phénomène. Certainement l’une des annotations les plus étonnante de toutes :

«Je ne pense pas qu’il y ait un album que j’ai plus aimé que Voodoo durant les quinze années qui ont suivi sa sortie. Je pense tout simplement que cet album est spectaculaire.»

 

Pour ceux qui se demandaient ce que le producteur a écouté et apprécié l’année passée, le musicien Beck est la réponse :

« J’adore Morning Phase. Probablement mon album préféré de l’année 2014. C’est certainement son meilleur. Je l’aime mille fois mieux que Sea Change. »

Peu avare en anecdote, Rick Rubin s’exprime sur le succès retrouvé du groupe de country Dixie Chicks, qu’il a aidé à réhabilité en produisant leur album Taking The Long Way en 2007, après plusieurs années de boycott aux USA, suite à leurs critiques sur la politique de George W. Bush en Iraq :

« Taking The Long Way  était vraiment cool. J’aime les albums comportant de la controverse. Dixie Chicks était simplement le plus grand groupe féminin de l’histoire, le plus couronné de succès de l’histoire, puis Natalie Maines a fait un commentaire à propos de George Bush lors d’un spectacle 2003 à Londres. « Juste pour que vous le sachiez, nous avons honte que le président des États-Unis soit du Texas. » Presque toutes les stations de country d’Amérique ont cessé de les jouer. Elles sont passées d’artistes les plus joués à être blacklistés. Et n’ont toujours pas été pardonnées, cela dit. Elles ont complètement été éliminées de leur marché principal.
Nous avons fait un nouvel album après ce qui est arrivé, qui parle en grande partie de cela, et il a fini par gagner le Grammy de ‘l’Album de l’année’, c’est un projet spectaculaire. C’est vraiment un bon album. Il y’a de très bonnes chansons.

De sa propre bouche friand de musiques en tout genre et de tous les univers possibles, le double R revient sur la situation du King of Crunk, Lil’Jon, avec lequel il avait collaboré sur le titre « Stop Fuckin’ Wit Me”, extrait de son album Crunk Juice (2004) :

« Vous souvenez-vous quand Lil ‘Jon est arrivé, qu’il était en vogue et qu’il a en quelque sorte disparu parce qu’il avait des problèmes avec son label ? Nous avons enregistré cette chanson, mais elle n’est sortie que des années après. J’ai fait qu’une chanson avec Lil ‘Jon. C’est fou et génial. Elle utilise des samples de Slayer, ce qui était son idée parce qu’il était un grand fan de Slayer. C’est super. C’est comme si le morceau n’était jamais vraiment sorti, même si c’est le cas. Personne ne l’a entendu. Ce n’était pas parce que Lil’Jon n’était pas bon; il a juste eu une certains problèmes qui l’on empêché de le sortir. »

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