Majid Jordan : « Notre album est le premier chapitre de notre carrière, peut-être l’un des plus importants »

Parfois il peut suffire d’un seul featuring pour propulser la carrière d’artiste, surtout quand cette collaboration s’opère avec Drake, chef d’orchestre du label OVO. Longtemps considéré comme les protégés de Champagne Papi, le duo torontois Majid Jordan pourrait aujourd’hui être en passe de devenir l’un des porte-drapeau de la scène r’n’b outre-Atlantique grâce à des titres comme « Something about you » ou encore “My love” qui comptabilisent à eux deux plus de 8 millions de vues sur YouTube. Découvert par Noah “40” Shebib en 2013, Majid et Jordan  deviennent des figures incontournables d’OVO . De passage à Paris pour un concert organisé par Livenation et YARD, nous avons discuté avec les Canadiens de leur carrière, leurs inspirations ou encore de l’évolution du r’n’b.

 

 

Vous vous êtes rencontrés à ta soirée d’anniversaire Majid, mais à quel moment avez-vous compris que vous alliez travailler ensemble ?

Majid : On s’était déjà vus une première fois à ma soirée mais à ce moment-là on n’avait pas vraiment eu l’occasion de parler musique. On s’est revus peut-être trois mois après devant les dortoirs de l’université. Je savais qu’il faisait de la musique donc je suis allé le voir pour lui proposer qu’on commence à travailler ensemble avant que je retourne au Bahreïn voir ma famille. J’avais déjà écouté un des remix qu’il avait fait sur Soundcloud. On a juste parlé musique pendant un petit moment et échangé nos idées, le lendemain on s’est retrouvés à faire deux morceaux ensemble.

 

À cette époque vous étiez tous les deux encore à l’université…

Majid : J’étudiais le business et lui l’économie. Je pense que les études m’ont aidé tout simplement parce que, sans elles, je n’aurais probablement jamais rencontré Jordan. Ça m’a également apporté une ouverture d’esprit encore plus importante,  je pense qu’aller à la fac est important pour la sociabilisation. Le simple fait de rencontrer de nouvelles personnes t’aide à grandir.

 

Lorsqu’on remonte aux premiers titres sur votre Soundcloud, ils étaient sous le nom de Good People. Pourquoi être passé de Good People à Majid Jordan ?

Majid : Good People était notre nom lorsqu’on était en indépendant, c’était une entité anonyme. Lorsqu’on a signé chez OVO, on s’est dit que ce serait plus intéressant d’utiliser nos propres noms de façon pour les intégrer concrètement à notre projet. Au lieu de dire, « C’est Jordan de Good People, et Majid de Good People », c’est plus simple et plus juste de s’appeler Majid Jordan. Malgré tout, je reste toujours attaché au nom de Good People, il fait partie de notre histoire. Majid Jordan correspond bien mieux à notre réalité.

 

En 2013 vous sortiez votre premier EP afterhours, c’est ce projet qui va vous permettre de vous faire remarquer par Noah 40 Shebib, producteur de Drake et des artistes OVO. Comment s’est passé cette première session studio avec Noah et Drake ?

Jordan : J’ai rencontré 40 avant Majid,  à ce moment-là tu étais encore avec ta famille au Bahreïn. J’ai toujours fait de la musique dans ma chambre à l’arrache, je me souviens être obligé de tenir le micro pour m’enregistrer. Passer de ces conditions à un studio professionnel était incroyable, j’étais entouré de spécialistes et de l’un des meilleurs producteurs du pays. J’adore sa mentalité et son approche de la musique, il savait ce qu’il voulait en tant que producteur. C’était comme un apprentissage en accéléré.

 


« J’ai toujours fait de la musique dans ma chambre à l’arrache, je me souviens être obligé de tenir le micro pour m’enregistrer. » Jordan


 


Qu’avez-vous appris de ces séances studios ?

Jordan : J’ai tout simplement appris à faire des morceaux propres et tous les processus nécessaires pour achever un titre. C’est très différent quand tu fais de la musique simplement en tant que loisir, il y a un tas d’étapes et de procédés par lesquels on passe pour faire un morceau que les gens ignorent. Je me suis professionnalisé au côté de Noah.

 

Lorsqu’on regarde OVO on a l’impression de voir une famille, voire même un mouvement. Quel est l’état d’esprit du label ?

Majid : On essaye juste de continuer notre apprentissage et d’être ouvert d’esprit. On est tous solidaires les uns des autres, il y a des profils différents et je pense que chacun apporte sa touche personnelle au label.
Jordan : L’objectif reste avant tout de faire de la bonne musique, mais pour ça on a besoin de se sentir à l’aise avec ceux qui nous entourent. C’est bien plus qu’une simple relation professionnelle. comme tu disais nous sommes une famille.

 

Depuis votre featuring avec Drake sur le titre « Hold on, we’re going home », tout le monde s’est mis à parler de vous, vous avez notamment collaboré avec Beyonce sur le titre  « Mine ». Malgré toutes les demandes, vous faites peu de featurings…

Majid : C’est comme ça qu’on travaille depuis qu’on est chez OVO, on reste concentrés sur notre musique et celle des autres membres du label. Il y a tellement d’artistes talentueux chez OVO qu’on a pas tellement besoin d’aller chercher ailleurs… On est toujours en train de se découvrir donc on évite de trop se disperser pour le moment mais on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir.

 

Si vous ne vous mélangez pas trop c’est probablement aussi parce que Toronto a développé son propre style ces dernières années  : une ambiance éthérée, des productions assez lentes, des refrains particuliers… Comment pouvez-vous expliquer l’émergence de la scène rap torontoise ?

Majid : Je trouve que la musique est devenue très territoriale, surtout dans le hip-hop. Les gens identifient plus facilement un artiste par rapport à sa région d’origine qu’à son style musical. C’est devenu difficile de définir les genres musicaux parce qu’ils sont composés de beaucoup d’influences. Il y a tellement d’artistes talentueux à Toronto que je pense qu’on peut affirmer que la scène musicale torontoise n’a jamais été aussi riche. Je pense qu’elle va continuer de ce développer comme l’a fait New-York, Atlanta et toutes ces grandes villes.

 

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Comment définirez-vous votre propre style ?

Majid : Du r’n’b aux influences house et électronique. Je pense que c’est le meilleur moyen de définir notre musique.

 

Depuis quelques années on assiste à un retour en force du r’n’b avec des artistes comme Franck Ocean, The Weeknd et beaucoup d’autres. Qu’est ce qu’il manquait au r’n’b ces dernières années ?

Majid : Je pense que le r’n’b a toujours été présent, c’est juste que dans l’industrie il y a toujours des hauts et des bas. Ces derniers temps, de plus en plus de personnes se mettent au r’n’b donc forcément petit à petit le public retrouve de l’intérêt pour ce genre. Pourtant le r’n’b n’a jamais disparu, dans les années 2000 il y avait Usher par exemple. Les gens pensent que le r’n’b ne se résume qu’à une seule et unique sonorité ou style de production, mais ce n’est pas le cas. C’est aussi de la soul, du blues… Il y a différentes textures c’est tout.

 

Pourtant j’ai le sentiment qu’il y a désormais beaucoup plus d’influences pop et électro qu’auparavant.

Jordan : Oui c’est vrai mais tout les autres styles ont également changé. Il faut composer avec son temps et s’adapter aux évolutions technologiques, avec toutes les nouvelles machines c’est plus facile de faire de bonnes productions. C’est justement grâce à cette ouverture musicale qu’on va développer le r’n’b.

 

Dans quel état d’esprit es-tu avant de commencer une production Jordan ?

Jordan : Le simple fait de composer un morceau me rend heureux. Bien évidemment, il y a des moments où j’essaye d’arriver à trouver une sonorité précise. J’ai appris le beatmaking en essayant de retransmettre musicalement les idées que j’avais en tête.

 


« Le concert d’hier à Manchester était dingue. Je m’ambiançais sur un morceau et au moment du « drop » j’ai écarté mes mains. Ce court instant a suffi pour qu’une fille jette son soutif sur la scène et qu’il atterrisse parfaitement dans ma main, juste au moment où le son reprenait (rires). » Majid


 

Quel a été le rôle de Noah dans le développement de ton style de production ?

Jordan : Noah est mon mentor, mon mentor à vie (rires). Je n’ai pas grandi en écoutant ses productions. Je viens de Toronto donc forcement j’ai assisté à l’ascension de Drake mais je n’étais pas à fond dans le hip-hop, j’écoutais plus de house et de UK garage. Lorsque j’ai rencontré Noah, il a changé ma vision de la production, il m’a beaucoup appris sur ce domaine et a facilité mon ouverture musicale. J’ai appris à faire des productions en regardant des vidéos sur Internet…

 

Quelle vibe essaies-tu d’apporter ?

Majid : J’essaye juste de faire en sorte que la vibe qui se dégage de de la  production soit unique. Je veux imposer ma propre touche, j’en ai marre des stéréotypes propres à chaque style. Si dans un son il y a une guitare électrique ce n’est pas forcément du rock, il faut juste que tous les instruments s’associent de façon harmonieuse.
Jordan : Certains de nos morceaux sont plus énergiques et d’autres plus lents au niveau de la production et des voix. On veut que nos titres puissent t’accompagner à différents moments de ta vie comme une bande originale.

 

Plus tôt cette année vous avez sorti votre premier album intitulé Majid Jordan. Quel était le concept  ?

Majid : Cet album est une introduction à la musique que l’on souhaite proposer ces prochains mois. Avec cet album les gens vont apprendre à mieux nous connaître, nous et notre musique.

 

Selon vous quel est la différence entre cet album et vos précédents projets ?

Jordan : Ce projet est beaucoup plus complet et consistant. Je trouve que depuis afterhours notre musique a beaucoup évolué et ça s’entend. Cet album est comme le premier chapitre du livre de notre carrière et ce sera peut-être l’un des plus importants. On a une vision très précise de ce qu’on cherche et de la façon dont notre musique doit évoluer.

 

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Dans la plupart des titres de cet album vous parlez de votre relation avec les filles. Pourquoi ce thème est omniprésent ?

Majid : Je pense que l’amour nous inspire, nous ne pourrions pas en être là sans l’avoir connu. Les femmes ont une places essentielle dans notre société et si on fait de la musique ce n’est pas pour être irrespectueux, encore moins vis-à-vis d’elles. Je ne dis pas qu’on est des saints mais on essaie de traiter les femmes à leur juste valeur, je pense que c’est pour ça qu’il y a beaucoup de filles dans notre public.

 

Vous précisément un public féminin ?

Majid : Pas forcément. On aime juste ce qui est beau, on se concentre là-dessus. On cherche à ne garder que les aspects positifs de la vie et l’amour en fait partie. C’est en conservant tous ces éléments que les gens vont pouvoir s’identifier à notre musique, c’est extrêmement cinématographique.

 

La plupart de vos clips sont d’ailleurs très réussis, vous arrivez bien à retransmettre la vibe d’un titre à vos vidéos.

Jordan : La plupart du temps on essaye de réfléchir à nos clips en même temps que l’on crée le morceau. Ça facilite la tache au réalisateur, c’est quelque choses qu’on fait de plus en plus. On a toujours voulu des visuels de qualité qui correspondent à nos morceaux. Maintenant qu’on a les moyens de transformer nos musiques en images, on essaye de dégager une vibe singulière à chaque clip.

 

Quelle est votre destination préférée pour un concert ?

Majid : On aime vraiment beaucoup Paris. J’aime les gens, la culture, leur goût pour les bonnes choses… Nos premiers fans sur Soundcloud venaient essentiellement de Paris et de Lyon… Je ne sais pas quel est le lien entre ces deux villes

 

Depuis la sortie de votre album vous êtes en tournée. Quel a été le truc le plus fou qu’un fan ait fait à l’un de vos concerts ? 

Majid : Le concert d’hier à Manchester était dingue. Je m’ambiançais sur un morceau et au moment du « drop » j’ai écarté mes mains. Ce court instant a suffi pour qu’une fille jette son soutif sur la scène et qu’il atterrisse parfaitement dans ma main, juste au moment où le son reprenait (rires). Ce concert était vraiment cool.

Photos : Ojoz

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