Comment NSS redéfinit les frontières du luxe et du sportswear par le football ?
Il suffit de feuilleter les pages de streetstyle du monde entier pour se rendre à l’évidence : la mode est tombée amoureuse du football. Autrefois pointé du doigt pour son prétendu mauvais-goût, le ballon rond et son univers fascinent aujourd’hui designers comme amateurs de belles sapes.
Gosha Rubchinskiy s’associe avec Adidas et intègre des maillots, écharpes ou survêtements de football à sa dernière collection automne-hiver 2017, Y/ Project imagine une équipe fictive composée de Napoléon, Joséphine et Henry VIII la même saison, Off-White et Nike s’unissent pour habiller les footballeurs de la précarité, la plupart des marques de streetwear intègrent des maillots vintage à leurs dernières collections (Supreme, A Bathing Ape, Patta, KITH, Stussy, Palace…). Les exemples sont multiples ces derniers mois et laissent deviner l’émergence d’une nouvelle sous-culture – construite autour du foot et de la mode – qui dépasse de très loin la vérité du terrain.
À ce petit jeu-là, le magazine italien nss tire son épingle du jeu en sortant une collection composée de maillots emblématiques des années 1990 et 2000 frappés de logos d’illustres labels de luxe, à l’instar de Saint Laurent, Gucci, Dior, Gosha Rubchinskiy, Vêtements ou encore Helmut Lang. Nous avons rencontré Walter, l’un des membres fondateurs.
Photos : courtesey of nssfactory
Salut nss, avant toute chose, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?
C’est toujours un peu compliqué d’expliquer ce que l’on fait. Tout d’abord, nous sommes amis et business partenaires, c’est une grande chance pour nous de se réveiller chaque jour pour faire ce qu’on aime. En ce qui concerne notre travail, nous sommes une agence de service digital. On a commencé dans notre ville natale, à Naples, en tant que naplesstreetstyle – l’acronyme de nss – avant de déménager à Milan pour construire notre atelier créatif. Au total, nous sommes trois partenaires, Walter, Vincenzo et Simon, mais on est loin d’être seuls, il y a une grosse équipe qui nous soutient – comme Francesco qui est en charge du contenu sportif sur nss, c’est aussi lui qui s’occupe de créer des trucs incroyables, comme Les Vêtements de Football.
Racontez-nous comment vous avez eu cette idée de créer cette collection.
On est accro au foot et amoureux de mode, on a donc simplement mixé nos deux grandes passions ensemble pour réaliser le projet. De nos jours, le lien entre la mode et le football est tellement fort et limpide, les mecs cools du monde entier préfèrent maintenant porter des maillots de foot plutôt que ceux de NBA. Toute l’esthétique du foot, les logos, sont en fait très “mode”, ça nous a toujours attirés et maintenant, on a décidé d’utiliser toutes ces inspirations.
Pourquoi avoir choisi de mettre les logos de marques de luxe sur des maillots de football ?
Je voudrais d’abord clarifier quelque chose, c’est avant toute chose un projet créatif qui n’est pas pensé pour la vente. Cela étant dit, nous voulions simplement créer un nouveau phénomène en mélangeant l’amour du footbal, la culture streetwear et les gros logos de la mode.
Quels ont été les premiers retours ?
Ils étaient très bons. Beaucoup de gens voulaient les acheter et appréciaient notre idée. Je pense que la tendance football est tellement chaude en ce moment que les gens les voulaient vraiment.
La collection s’est très vite retrouvée sold-out. Vous vous attendiez à un tel succès ?
Pas vraiment, on savait que l’idée était bonne, mais on ne s’attendait pas à tout vendre aussi vite.
Comment avez-vous choisi les maillots ?
Certains maillots sont plus cools et plus célèbres que d’autres, parce qu’ils représentent un moment sportif particulier ou sont liés à une sous-culture comme celle des ravers ou des skaters. On a choisi de se focaliser sur les maillots des années 1990 et 2000 parce qu’ils nous rappellent notre adolescence, ce sont les maillots que l’on portait au lycée. En ce moment, on travaille sur un nouveau projet avec des maillots d’équipes italiennes des années 1990.
Vous comptez donc sortir d’autres collections à l’avenir.
On travaille sur une nouvelle sortie pour fin mai. Cependant, ce sera un peu différent, pas seulement lié à les logos de mode célèbres. On veut en dire plus sur le lien entre mode et football en tant que nouvelle sous-culture née dans la rue, et pas seulement sur le web.
Votre collection s’appelle “Les Vêtements de football”, doit-on y voir un clin d’œil au travail de Demna Gvasalia (directeur artistique de Vetements et Balenciaga, ndlr) ?
Bien sûr ! On aime beaucoup son travail. Il se joue des codes de la mode et est en train de changer les règles du jeu à une vitesse impressionnante. C’est certain que des designers comme Margiela ou Raf Simons l’ont fait avant lui, mais ce qu’il fait en ce moment est très juste.
Dans une ère de l’appropriation, la ligne entre la mode de luxe et le streetwear n’a jamais été aussi floue. Pensez-vous que votre travail redessine, ou du moins questionne, les frontières du luxe ?
Il est très dur de définir des frontières en ce moment. À partir du moment où vous tracez une limite, le web débarque et la détruit aussi vite. Il faut toujours être dans les temps parce que les gens réfléchissent, changent, agissent…
Considérez-vous votre travail comme un hommage ?
Oui, c’est un hommage, et on puise simplement de l’inspiration de leur imaginaire. On ne voulait pas utiliser leur logo pour simplement promouvoir le projet, mais pour montrer les liens entre ces différents univers de manière créative.
La relation entre mode et football n’a jamais été aussi forte. Pensez-vous que l’on assiste à l’essor d’une sous-culture construite sur ces deux mondes ?
Comme je l’ai dit plus tôt, le lien est fort aujourd’hui, mais ça a déjà été le cas dans le passé avec d’autres cultures. Quand je pense aux phénomènes ravers ou gabbers par exemple, la relation n’était pas mauvaise.
C’est clair qu’aujourd’hui, c’est l’une des plus grosses tendances dans le monde du streetwear. Je ne sais pas si ça peut devenir une nouvelle sous-culture dans la mesure où la mode bouge tellement vite et le web change les règles à chaque minute. Dans tous les cas, je suis sûr que ce n’est pas prêt de s’arrêter.
En France, le supporter de football est malheureusement trop souvent assimilé à un beauf de mauvais-goût par les sphères culturelles. Pensez-vous que la mode peut changer sa perception ?
Oui je le pense. C’est aussi une partie de ce que l’on essaye de faire tous les jours avec notre magazine nss sports : faire tomber les barrières et commencer à concevoir le football – tout comme les autres sports – comme quelque chose de culturel, et bien sûr, de mode. Ce qui se passe sur le terrain est évidemment important, mais on a besoin de “prendre une pause” de la tension que génère un match, et c’est plutôt une bonne manière de le faire.
La culture du foot est profondément ancrée en Italie, comment est-ce que cela influence la mode et la scène streetwear ?
Tu as raison, le football en Italie – et particulièrement autour de Florence, Naples ou Rome – représente absolument tout, c’est une partie de notre vie depuis qu’on est gamin. On n’est pas surpris par cette tendance, ce n’était qu’une question de temps avant que le football ne fasse son come-back dans nos dressings. Comment est-ce que ça marche ? Quand tu es obsédé par une équipe, qu’est-ce qu’il y a de mieux que de porter son maillot chaque fois que tu en as l’occasion ?
Plus généralement, comment se porte la scène streewear italienne ?
Elle est tellement vivante, je pense que l’Italie, et par-dessus tout Milan, est la place où il faut être pour développer un nouveau projet. Ce n’est pas toujours évident parce que le pays n’est pas toujours ouvert aux nouvelles réalités, mais quand je pense à des marques comme (Marcelo Burlon) County Of Milan, qui a été un gros phénomène ici, je me dis que les Italiens se portent plutôt bien.
Êtes-vous des fans de foot ? Quel club supportez-vous ?
Bien sûr ! Je supporte Naples mais Vincenzo est fan de l’AC Milan, mais tout va bien on est assez “gentleman”.
De toute les équipes que vous avez choisi dans la collection, laquelle vous a fait le plus rêver ?
Je dirais l’Ajax, mais l’Angleterre – le pays des amoureux de foot – est pour moi toujours légitime. Je vais me permettre d’anticiper un peu, mais ceux de la prochaine collection seront encore plus cools, vous les verrez très bientôt !