On vous résume la première interview de Jay Z depuis « 4:44 »
Presque deux mois après la sortie de son 13ème album 4:44 Jay Z s’est enfin exprimé sur cet opus qui a soulevé pas mal de sujets de discussions. Du plus futile (entendu l’elevator gate) au plus profond (de la discrimination raciale et du business dans la communauté noire aux Etats-Unis), l’artiste s’est finalement exprimé au micro de l’émission Rap Radar, exclusivement diffusée sur Tidal.
Dans cette première interview, qui en appelle d’autres sur le même support, ce sont Elliott Wilson et Brian « B.Dot » Miller qui mènent l’entretien. Pour tout ceux qui n’auraient pas Tidal, on a ressorti les passages clé de cet interview. Vous pouvez aussi l’écouter ici :
Sur la conception de l’album
La conception de l’album a commencé en janvier de cette année. Un projet qui s’amorce avec un appel de NO I.D. : « J’ai le nouveau Blueprint« . Jay Z reste suspicieux. Parmi ses productions, il y a déjà celle qui deviendra le titre « 4:44 ». À partir de là, le processus s’enchaîne et Jay Z s’inspire de Prince, Michael Jackson ou encore de U2, et lâche sa légendaire méthode de mémorisation pour se mettre aux notes vocales. « Je ne sais pas ce que j’essayais de prouver. »
Initialement la sortie était d’ailleurs prévue le 4 avril. « Ça n’avait pas vraiment de sens. C’était juste histoire de le sortir le 04/04 parce que l’album est 4:44. »
Sur « Kill Jay Z »
Dès le départ, ce morceau introspectif où Jay Z revient sur son parcours et descend point par point son statut de role model, est sorti du lot pour ses quelques lignes à l’intention de Kanye West, son binôme sur Watch the Throne. « But you got hurt because you did cool by ‘Ye / You gave him 20 million without blinkin’/ He gave you 20 minutes on stage, fuck was he thinkin’? » « Mais tu as été blessé parce que tu as été cool avec Ye’/ Tu lui as donné 20 millions sans sourciller / Il t’a accordé 20 minutes sur scène, à quoi il pensait ? ». Ces 20 minutes, Kanye les a pris sur scène pendant l’un de ces fameux rants, où il a déploré l’absence de Jay après l’agression de son épouse à Paris, ainsi que le détachement entre les deux familles.
« Tu ne peux pas impliquer mes enfants et ma femme. Kanye est mon petit frère… Mais il a amené toute ma famille dans cette histoire, c’est un problème… Tu sais que c’est un problème parce que lui et moi, on en aurait parlé, on aurait réglé nos problèmes. Et il sait qu’il a dépassé les limites, il le sait. Et je sais qu’il le sait, parce qu’on n’a jamais laissé autant d’espace entre nos désaccords et il y en a eu beaucoup. Ça fait partie de ce que nous sommes… C’est une personne honnête et il a souvent tort. Le fait est que j’ai dis que j’ai été blessé. Tu ne peux pas diss quelqu’un en disant que tu as été blessé. C’est le truc le plus soft de tous les temps. »
Un autre point de discorde se retrouve dans l’une des dernières lignes du morceau : « In the future other niggas playin’ football with your son » « Que dans le futur, d’autre gars jouent au football avec ton fils ». Une référence au rappeur Future qui a eu un enfant avec Ciara il y a trois ans. Un enfant qui vit aujourd’hui avec la chanteuse et son époux, le footballeur américain Russell Wilson.
« J’ai réfléchi à cette phase et par rapport à notre culture je me suis dis « Je n’ai vraiment pas de mauvaises intentions. »
Ce que je veux dire par là, la façon dont s’est joué la situation, c’est parce que [Future] est une personnalité tellement publique. On m’aurait fait la même chose, j’aurais réagi de la même façon, voire quatre fois pire. De ce que je vois, son fils vit dans un environnement aimant. Je ne sais pas. Je n’essaie pas de discréditer son beau-père et tout le monde.
C’était une phrase pour dire que ça pourrait m’arriver dans le futur. Et il se trouve que son nom est Future. J’en ai juste fait un jeu de mot sans arrières pensées. »
Sur « The Story of O.J. »
L’un des passages qui a eu le plus de retentissement sur les réseaux sociaux est bien celui-ci : « Y’all on the ‘Gram holdin’ money to your ear / There’s a disconnect, we don’t call that money over here » En français : « On vous voit sur Instagram votre argent à l’oreille, on a été coupé, on n’appelle pas ça de l’argent par ici ». Un passage perçu comme la critique d’une génération qui préfère flamber sur Instagram, plutôt qu’investir et devenir financièrement indépendante.
« Je n’ai même pas dis au gens d’arrêter le money phone. Je n’ai pas dis ça. Ce n’est dis nul part. J’ai dû ré-écouter. Comment ça a été mal interprété ? J’ai seulement dis que ce n’était pas de l’argent pour nous. Ça n’en est pas. C’est juste une assertion honnête. La richesse pour nous, c’est moi et trois amis au premier rang à Golden State. Pas parce que les places sont chères mais à cause de ce qu’on fait là-bas. Ou créer des marques et les faire avancer. Ça ne peut pas être notre objectif, gagner de l’argent et le montrer sur Internet. C’est kitsch. Vous pouvez le faire. Je l’ai dis. « Chains is cool to cop, but more important is lawyer fees. » « C’est bien de s’acheter des chaînes, mais payer les frais d’avocats est plus important. » C’est dans mon premier album. J’ai toujours voulu apporter du game aux gens. Voilà, vous pouvez apprendre de mon expérience. »
Il revient aussi sur le passage où il raconte comment la communauté juive a réussi a s’imposer dans le paysage immobilier new-yorkais et aux accusations d’anti-sémitisme qui ont suivi.
« C’est dur pour moi de prendre ces critiques au sérieux parce que j’ai exagéré tous les traits de l’image des noirs. Si vous ne voyez pas de problèmes dans l’image exagérée d’un gars qui mange une pastèque, et toutes les autres images… Si vous n’avez pas de problème avec ça et que c’est la seule phrase que vous en retirez, alors vous êtes un hypocrite. Je ne peux pas y répondre de la bonne façon. […] Le contexte fait tout. Et le contexte dans ce titre soulignait clairement tout ce que j’essaie de dire et ce que j’essaie de démonter, c’est qu’ils l’ont fait de la bonne manière. »
Au détour de l’interview, il évoque également l’importance de l’indépendance dans le business, déplorant par exemple l’enthousiasme des athlètes et des artistes qui offrent leur nom à Nike. « With all due respect… Fuck Nike. » Pour illustrer son propos, il revient sur l’exemple de Lavar Ball, le père du joueur Lonzo Ball, meneur des Lakers, qui lançait il y a quelques mois la ZO2.
« Lavar Ball, il a dit « je vais commencer ma propre compagnie »…. Tout le monde lui a dit « tu devrais signer chez Nike ». Maintenant, il a peut-être fait certaines choses de la mauvaise façon, il a peut-être une grande gueule… Mais j’ai acheté trois paires. Pourquoi j’ai acheté trois paires ? […] Cet homme a sa propre vision.[…] Pourquoi je ne le soutiendrais pas ? Il pense pouvoir faire avancer la culture. »
Sur l’influence de l’album 4:44
« Ça va au-delà de la musique : on n’a pas encore saisi l’importance de cet album; jusqu’à ce qu’il commence à se manifester dans la culture. »