Puma Suede (1968)

Culte. On touche là à un monument sacré de la sneaker culture, de la street culture mais aussi d’un peu de notre histoire contemporaine. Flashback. En 1920, deux frères originaires de Herzogenaurach en Allemagne, Adolf et Rudolf Dassler, se mettent à la fabrication de chaussures de sport. En 1948,  à force de mésententes et de suspicions le tout sur fond de régime nazi, les frères se séparent pour fonder leurs  sociétés respectives. Adolf  crée Adidas – combinaison de son surnom Adi et du début de son nom – et Rudolf crée Ruda qui deviendra Puma. Une situation qui crée une tension insoutenable qui va jusqu’à diviser la ville en deux, en montant les employés des deux marques l’une contre l’autre.

Jusque là plutôt concentrée à créer des chaussures destinées au football ou à l’athlétisme, c’est en 1968 que Puma met au point la Suede. Elle tient son nom de la matière qu’elle arbore sur sa partie supérieure et se caractérise par sa semelle blanche très épaisse. Depuis le départ cette paire est appréciée par tous pour sa simplicité, son confort et son adaptabilité en toutes circonstances. Robes, short, jogging, jeans, c’est simple la Suede va avec tout, s’affranchit des modes et garde son originalité même après plus de  40 années d’existence. À l’origine de nombreuses déclinaisons comme la Clyde, la Basket, ou la States, elle est sans aucun doute la meilleure incarnation de la sneaker lifestyle. Son iconographie reste plus forte et plus charismatique que  ses concurrentes comme la Stan Smith, la Superstar ou la Cortez.

Née en 68, elle connait ses premières heures de gloire la même année aux Jeux Olympiques de Mexico lorsqu’elle apparaît sur l’une des séquences les plus marquantes du sport au XXème siècle : placée sur le haut du podium olympique aux cotés d’un Tommie C. Smith poing levé et tête baissée en signe de contestation face à la situation des Afro-Américains aux États-Unis. Son logo rappelle l’animal représentant le mouvement Black Panther, la Suede n’est plus seulement une chaussure mais devient un symbole de rébellion et de radicalisme.

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Dans les années 70, elle est popularisée par le meneur des New-York Knicks, Walter « Clyde » Frazier, ancien All-Star et icône fashion hors des terrains. Il signe en 1973 un contrat qui fera de lui le premier basketteur à bénéficier d’une chaussure à son nom, ou plutôt son surnom, une décennie avant Michael Jordan. C’est dans les années 80 et 90 que la Suede acquiert définitivement son statut  légendaire lorsqu’elle sera adoptée dans les rues New-Yorkaise, notamment dans le Bronx où se construisent les bases du hip-hop et d’une de ces disciplines : le breakdance. Grâce à Walter Frazier, la Suede a déjà un pied dans les playgrounds et un autre dans les « block party ». De là, les b-boys se l’approprient pour leur confort et surtout l’adhérence de la semelle. Les breakers, dans leur besoin constant d’être toujours parfaitement habillés, deviennent friands du style que procure la shoe qui permet tout comme la danse de s’exprimer par la multiplicité des couleurs disponibles, la possibilité d’utiliser des lacets classiques ou les fat laces,  la concordance avec les vêtements etc. Souvent alliée à un survêtement Puma par ces mêmes danseurs, qui la considère comme la meilleure shoe de danse, la Suede gagne ses lettres de noblesse et se voit exposer mondialement, en même temps que le breakdance. Elle se retrouve portée par des crews légendaires comme le Rock Steady Crew ou les NYC Breakers et dans des œuvres mythiques de la street culture comme le film Beat Street ou dans les livres du photographe Jamel Shabazz, preuve qu’elle est témoin et actrice de l’émergence du hip-hop dans les années 70 et 80.

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L’an dernier la Suede fête ses 45 ans, un anniversaire célébré par la sortie d’un livre rassemblant 45 témoignages d’acteurs et d’ambassadeurs de la marque à travers le monde. Le tout accompagné d’une Suede couleur saphir limitée à 450 exemplaires. Un moindre mal pour un modèle unique, remplit d’histoire et dont il est difficile de trouver concurrence dans l’histoire de la chaussure de sport. La shoe s’en rapprochant le plus serait sûrement la Superstar, paradoxalement produite par son frère ennemi.

La principale performance de la Suede réside dans sa force à résister au temps, et elle s’est imposée depuis longtemps comme un classique. Pendant toute son histoire, Puma a fait le choix de garder la Suede proche du peuple et de la rue, lui donnant une street credibility encore présente aujourd’hui par des rappeurs de la nouvelle vague tels que Meek Mill, Vic Mensa ou encore Casey Veggies qui l’arborent quotidiennement. À cela s’ajoute toute la nouvelle génération de b-boys qui l’use encore dans toutes les salles de danse du monde. Intemporelle et universelle, elle est et restera indiscutablement la meilleure chaussure Puma de tous les temps.

 

 

5 dates en 1968

17 février : Jean Claude Killy remporte  3 médailles d’or olympiques en ski alpin
4 avril : Assassinat de Martin Luther King
9 avril : Premier lancement d’une fusée à Kourou
10 mai :  « La nuit des barricades » point culminant de la révolte des étudiants de 68
17 octobre :  Tommie Smith lève son poing en haut du podium aux JO de Mexico

by : @rickrence

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