Rocky, le groupe pop aux sonorités qui vous mettront K.O

Rocky c’est le genre de groupe qu’on est content de croiser de façon totalement inopinée pour une découverte coup de poing. Le nom ne vous dit sans doute pas grand chose pour le moment, pourtant les quatre membres que composent le groupe sont signés chez GUM, label parisien où la qualité est une condition sine qua non. Suite à un imbroglio nous n’interviewerons qu’Inès, la chanteuse solaire du groupe, tandis que les garçons pas rancuniers pour un sou nous rassureront. C’est ainsi que se dessine un échange de jabs avec la délicieuse artiste pendant presque 12 rounds.

 

Photos : Boox$ Films

 

Lorsqu’on s’est rencontré, on a commencé à se chercher un nom. Laurent – qui est plus à la basse, guitare et clavier au sein du groupe – a eu l’idée de « Rocky ». Au début, on était tous un peu choqué, à tel point qu’on se demandait s’il était sérieux. En fait pour lui, Rocky c’était l’idée de prendre un nom hyper identifié, associé à la pop culture et qui renvoie tout de suite à des choses très précises et pourtant si différentes en fonction des gens et de détourner ce sens là. C’est parti sur Rocky mais ça aurait pu être Prince, Madonna ou encore Mickael Jackson. Laurent voulait juste un nom déjà existant, ça en est devenu un challenge car il a fallu se le réapproprier et le faire exister autrement.
Si c’était à refaire, peut-être que nous n’aurions pas choisi ce nom là car le référencement sur internet est très compliqué (rires) !

On aime dire qu’on fait de la pop électronique mais en réalité c’est plus compliqué que ça. Électronique parce qu’effectivement dans les instrumentaux il y a beaucoup de vieux synthés, il y a beaucoup de prog, du MAO, même si on retrouve beaucoup d’instruments analogiques. Et pop parce que dans l’écriture et la structure des morceaux ça reste quand même des chansons très classiques. Dans la progression des titres ça donne : couplet 1, refrain, couplet 2, break, refrain et ainsi de suite.
Pour nous, il était important que ce soit électro mais qu’on puisse chanter dessus grâce aux refrains et que danser dessus soit également possible.

Rocky s’est formé en 2011 et les garçons avaient précédemment eu un groupe beaucoup plus orienté pop/rock pendant dix ans durant les années 90. Quand ils se sont séparés de leur chanteur, aucun d’entre les trois n’a voulu chanter. Pourtant ils voulaient continuer la musique et jouer ensemble, finalement c’est un pote en commun qui nous a présenté et c’est là qu’est né Rocky. Moi je suis de Paris à la base, plus précisément d’Asnières et lorsque j’ai décroché le BAC je suis allé en prépa à Lille. C’est là bas que nous nous sommes rencontrés.
Un après midi je débarque dans leur cave et je crois que j’en repars avec une instru. À l’époque j’étais en internat en prépa littéraire Économie et Sciences sociales, Khâgne Hypokhâgne.

 

 


« Moi je viens plus du R&B, c’est toute ma jeunesse, les garçons aussi en ont écouté mais pas autant que moi. Ensuite il y a les choses qu’on découvre ensemble, ou d’autres qu’ils me font découvrir »


 

J’ai l’impression qu’il y a de plus de en plus de trucs cools qui se produisent à Lille, notamment au niveau musical. Après, pour connaitre la scène remoise à travers Guillaume et Benjamin de The Shoes, j’ai l’impression qu’on ne s’est pas encore tous connectés. Chacun fait ses trucs dans son petit coin, ça se check un peu mais il n’y a pas de réelle conscience qu’il faille bouger ensemble. Mais ça pourrait venir, sur un malentendu…on se connait, on se croise…

Comment avoir une cohésion sonore les membres du groupe ont des influences diverses ? C’est compliqué…enfin oui et non. Parce que tu multiplies les influences par le nombre de membres que compose le groupe. Mais en même temps on a des influences communes, on aime tous les mêmes choses ; par contre on ne les écoute pas au même dosage. Par exemple, moi je viens plus du R&B, c’est toute ma jeunesse, les garçons aussi en ont écouté mais pas autant que moi. Ensuite il y a les choses qu’on découvre ensemble, ou d’autres qu’ils me font découvrir.
Quand on a écrit l’album on a fait le constat qu’on aimait plein de trucs, trop de trucs. Qu’en multipliant les sonorités on risquait de perdre les gens et finalement on s’est raccroché à l’ambiance pop, qui prend son sens par la mélodie et la voix. On s’est aussi dit que ce qui ferait le lien parmi toutes les chansons, ça serait la voix.

 

Venant d’un background plus urbain que les garçons, à quel moment as-tu eu une épiphanie concernant la pop ?

Mmm…(un membre du groupe intervient, ndlr) :

– La pop ce n’est pas un style, les français en ont fait un style mais pour les anglo saxons c’est ce que nous on considèrerait être de la variété en fait. C’est la musique populaire. Michael Jackson c’est pop, les Destiny’s Child le sont aussi finalement…Si tu considères que les Beatles sont pop dans ce cas là, beaucoup de choses le sont.

Destiny’s Child ça restera toujours du R&B pour moi ahah. Michael Jackson par contre, oui c’est le roi de la Pop donc… Moi je trouve que c’est une grosse étiquette dans laquelle beaucoup de gens se retrouvent et pas mal de pépites y sont découvertes. Christine & the Queens par exemple, je ne sais pas dans quelle catégorie la classer. Je suis fan de ce qu’elle fait, donc si ce que Christine fait est pop, vive la pop (rires) !
Aujourd’hui The Weeknd c’est quoi ? C’est de la pop. Tous les trucs mainstream qu’il fait actuellement pour moi ça vaut du Katy Perry. Je parle bien du The Weeknd d’aujourd’hui. On pourrait en discuter des heures…

Pour en revenir à notre album, je pense que la couleur musicale, on la doit déjà aux garçons vu que moi je ne compose pas. Si tu enlèves l’instruction mais que tu ne gardes que ma voix, je rentre dans toutes les catégories. Je pense que ce qui nous ancre dans la pop ce sont nos sonorités mais aussi les arrangements et la composition des morceaux.

 

 


« Je suis à Paris et les garçons sont à Lille, donc en général ils m’envoient une instru et de là je me mets à chercher une mélodie en laissant tourner le dictaphone de mon iPhone »


 

Le titre de l’album ? Il y a plusieurs écoles au sein de Rocky (rires) ! Moi quand je me suis dit qu’il fallait qu’on appelle cet album « Soft Machines », c’était parce que je trouvais que le côté doux, rond du mot « soft » résumait bien la partie mélodique, pop et chanson des morceaux. Tandis que « Machines » représentait le côté instrumental. Les garçons eux, composent souvent à partir de leurs claviers ; des claviers qui vivent, bougent et réagissent à plein de choses. Pour eux c’était le côté sensible de leurs machines.
Je sais que quand on a écrit l’album, nous nous sommes posés pas mal de questions sur la modernité des morceaux, sur leurs aspects un peu trop gentil… Et la vérité, c’est qu’on est des gentils, on est soft et ce n’est pas une tare. Quand on met bout à bout toutes ces idées, ça donne ça : « Soft Machines ».

Quand nous sommes parti mixer l’album à Los Angeles, nous avons choisi un ingénieur du son qu’on adorait et qui a longtemps bossé chez DFA Records (il en est d’ailleurs le co-fondateur du label) dans lequel sont LCD Soundsystem : James Murphy.
Lorsque l’album est passé entre ses mains…je crois d’ailleurs que c’est lui qui a beaucoup donné cette chaleur, cette place et pour le coup, pour le traitement des voix on lui doit vraiment beaucoup.

Je suis à Paris et les garçons sont à Lille, donc en général ils m’envoient une instru et de là je me mets à chercher une mélodie en laissant tourner le dictaphone de mon iPhone. Ou alors j’ai déjà plein des bribes de mélodie que j’essaie de caler sur ce qu’ils m’envoient. Parfois ça match, parfois non…
Pour la partie instrumentale qui précède souvent la partie mélodie chez nous, c’est souvent un des garçons qui bosse le truc un peu dans son coin. Ensuite il l’emmène aux autres en leur demandant s’ils ont d’autres idées pour faire évoluer le titre. Arrive alors la période de ping pong où on se renvoie l’ébauche du morceau en rajoutant des choses jusqu’à obtenir quelque chose.

 

L’album est principalement en anglais mais on y retrouve tes influences africaines avec un titre chanté en mina (un dialecte togolais, ndlr). Comment t’es venue l’idée de faire un titre comme ça ?

Chez nous durant l’enfance, quand tu avais du chagrin et que tu pleurais, la mère allait répéter  « oh, edzinefa nawo. Edzinefa nawo » pour t’apaiser. Mot pour mot « fafa » c’est le froid, « edzi » c’est ton âme, donc ça voudrait littéralement dire « que ton âme s’apaise ». Et même temps, moi je l’ai beaucoup entendu dans le sens où, ce sont des vœux de bonheur qu’on adresse aux gens.

 

De quoi s’est-on nourris musicalement lors de la confection de « Soft Machines » ?

Le piège quand tu bosses sur un projet et que tu en écoutes d’autres, parfois cela peut te perdre. Tu vas écouter un son mortel et tu vas te dire qu’en fait celui que toi tu viens d’enregistrer n’est pas assez bien et il faudrait que tu ailles dans la même direction que le son que tu viens d’entendre…
Nous n’avons pas eu de morceau sacré pendant l’écriture de cet album, ce qui nous a nourrit c’est notre envie mélanger tout ce qu’on aimait : Disco, Reggae, House, R&B, Hip Hop, Baggy et autres. On considère écouter de tout du coup on s’est dit « faisons l’album qu’on aurait bien aimé entendre ».

 

 


« La chanson [Apologize] est tirée d’une histoire vraie. La rivière dont je parle dans le morceau n’est pas tant la rivière que l’alcool »


 

Le titre « Apologize » ? L’inspiration vient d’un pote à moi qui a des problèmes de toxicomanie. Je ne m’en rendais pas compte ou du moins je ne pensais pas que c’était aussi grave. Un soir nous avons une discussion et c’est là que je réalise à quel point il est empêtré dedans et à quel point ça le bouffe. C’est alors que je me suis dit que j’aimerai écrire une chanson sur cette condition, sur lui et son rapport à la cocaïne.
La chanson est tirée d’une histoire vraie. La rivière dont je parle dans le morceau n’est pas tant la rivière que l’alcool.
Quand mon ami me parlait, il ne se cherchait pas d’excuses, il n’avait pas envie de s’excuser mais il était mal. Les problèmes d’addiction sont souvent compliqués…

De quoi je m’inspire ? Je suis quelqu’un d’assez pudique, je suis dans un projet de groupe donc il y a des histoires où je me dis que ce n’est pas le lieu pour les raconter. Dans le morceau « Edzinefa nawo » je parle de ma mère et je ne me suis pas interdit de le faire. D’autres fois je m’inspire des mes propres histoires ou de celles de mes copines, de mes potes…
Je fonctionne un peu comme si j’écrivais une mini nouvelle mais « Soft Machines » n’est pas un projet complètement introspectif, je n’y règle pas de comptes et je ne parle pas particulièrement de mes galères ou de mes espoirs. Je ne raconte pas ma vie.

 

Comment l’image et les visuels de Rocky se sont-ils crées  ?

C’est dû à une rencontre et à une très bonne idée. Celle de Pierre Le Ny qui à l’époque était directeur artistique du label.
Quand on s’est demandé qu’est ce que c’était Rocky, il a tout de suite pensé à The STIMULEYE (Antoine Asseraf et René Harbemacher) qui viennent clairement de la mode et qui sont très forts.
C’est vrai que c’était la parfaite association parce qu’ils sont arrivés avec plein d’idées tout en écoutant les nôtres. Et du coup, notre premier EP avait un peu mode et un peu étrange et c’était une image assez forte qui suscite le questionnement. Je ne pense qu’en regardant la pochette tu puisses deviner une catégorie musicale. Et c’est ça qui nous intéressait un peu, brouiller les pistes et se démarquer. Il y avait la volonté d’avoir une image impactante, chiadée et mode, parce qu’effectivement moi aussi je viens de là. Que ce soit avec Antoine et René,les stylistes et tous ceux qui ont travaillé sur notre image  on parlait le même langage.

 

En ce moment vous avez clairement le vent en poupe.

C’est cool, il y’a le festival des Vieilles Charrues, les Eurockéennes, le Paleo Festival en Suisse, le Sakifo Musik Festival à La Réunion, il y en a aussi d’autres que j’oublie sûrement à cause de ma mauvaise mémoire (rires). En tout cas on fera une belle tournée. Découvrir notre public et que le public nous découvre car c’est ça aussi le challenge. Il faudra faire bonne impression et ça met un peu la pression.

 

La signature chez le label GUM.

Qui a voulu qui ? C’est un peu les deux. Fin 2011, si tu nous avais posé la question sur quel label français on voudrait signer, GUM était dans la liste. Plus tard, on s’est fait remarqué indirectement par Guillaume Brière de The Shoes sur des scènes qu’on avait en commun. Puis on a fait un remix pour eux (le tube Time To Dance, ndlr) qui a beaucoup plus à Benjamin et Guillaume des Shoes pour finalement arriver aux oreilles de Pierre Le Ny. Il a commencé à montrer un peu d’intérêt et il est enfin venu nous voir en live. C’était le mariage parfait.

 


Faire parti de ce label aux côtés de The Shoes, Woodkid et les autres, c’est vraiment une émulation pour nous. On ne se compare pas aux autres donc toute idée de compétition n’a pas lieu d’être. On fait tous notre truc et on fait parti d’une grande famille. Avoir Guillaume dans le même label pour produire pour nous c’est un confort. Avoir un label c’est avoir une équipe derrière toi, voire un soutien et des moyens. Effectivement, je considère que nous sommes chanceux d’avoir un label de cet envergure derrière nous.

Faire de la musique pour nous c’est avant tout pour qu’on soit écouté et on souhaite que le plus de personnes puisse se connecter à ce qu’on fait. Avoir un label c’est comme si tu avais un mégaphone, nous somme dans la musique pour le partage. On est pas dans un projet ultra spé’ et élitiste donc c’est vraiment une opportunité qu’on est heureux d’avoir saisi.

Ce qu’on peut nous souhaiter pour la suite ? De l’inspiration pour notre deuxième album, un bel accueil pour notre prochain clip parce que nous on l’aime déjà beaucoup. Si on nous souhaite ça, c’est pas mal déjà (rires).

 

 

Le groupe est en concert à La Gaieté Lyrique : ICI

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