Selfish : le plus grand accomplissement de Kim K West ?
La semaine dernière est sorti le premier livre de Kim Kardashian West. N’y cherchez point de roman autobiographique, de poésie ou de contes pour enfants, l’auto-proclamée Queen of Selfies publie Selfish, une incursion dans sa photothèque digitale papier. Kimmy, de plus en plus créative, en viendrait peut-être même à signer une œuvre historique. Décryptage de l’ouvrage en mots, mais surtout, en images.
Jusqu’où s’arrêtera son égocentrisme ?
Dès le départ, la surprise réside par l’épaisseur du bouquin. Kim ne s’est pas foutu du monde avec cet ouvrage de plus de 400 pages, de petites tailles certes mais bien remplies. Kim ne nous ment pas et la couverture annonce la couleur. Avec ce cliché qui sert de première de couv’, on sait à quoi s’attendre : du chaud, du nu, du sulfureux. Une idée vite enrayée par le premier shot de l’ouvrage où apparaît une très jeune Kim tenant dans ses bras sa petite sœur Khloé. Moment tendresse pour cette photographie qu’elle certifie comme son premier selfie, pour mieux justifier l’idée du bouquin et asseoir sa crédibilité en tant que reine dans ce domaine. Selon le Wiktionary, le selfie est un autoportrait fait à l’aide d’un appareil photo ou d’un photophone, en général publié sur un réseau social. Une ligne directrice confirmée par l’auteur qui précise, dans la deuxième de couverture, que les photos composant l’ouvrage ne sont qu’une petite fraction de ses archives prises à l’aide de son Blackberry et autres appareils numériques. Tous ces clichés ont été imprimés puis choisis pour ensuite figurer dans le livre. Une somme de travail monstrueuse vu la propension de la fille Kardashian à sans cesse immortaliser les moments de sa vie publique et privée. Une caractéristique qui permet à l’ouvrage d’être composé d’un florilège d’images déjà publiées sur ses réseaux sociaux et de photographies inédites.
Organisé comme un almanach séparant les selfies par année de 2006 à 2014, le livre est un témoin de 8 ans de vie débutant par un selfie d’une Kim toute jeune et très différente de ce qu’elle incarne aujourd’hui et qui se clôture par un cliché datant du 24 mai 2014, représentant sa main et celle de Kanye le jour de leur mariage. 8 ans de vie répertoriant en vrac son premier selfie donc, des tranches de vie familiale, des moments d’amitié, des voyages, des photos de pré-shooting ou de pré-tapis rouge. Comme une Martine ou une Dora, on suit au fil des pages les aventures de la reine des selfies en Afrique, Espagne, à Mexico, à la plage, de sa salle de bains à celle de sport, en voiture, en bikini, en tenue d’ouvrier … Dans cet amas d’autoportraits, Kim trouve le temps de faire figurer ses amis stars. On croise tour à tour : Ciara, Lauren London, J.Lo, Serena Williams, Kelly Rowland, Lala Anthony, Beyoncé, Solange, Giusseppe Zanotti… La crème de la crème.
Pour les amateurs de littérature, il faudra passer votre chemin. La place de l’éditorial sur l’ouvrage est minime. Les seuls mots contenus sont les rares annotations qui décrivent certaines photos. Le style est basique, soit par soucis de réalisme et d’authenticité, soit parce que l’expression écrite n’est pas le fort de l’épouse de Kanye. Dans tous les cas, l’effet est le même : l’impression de lire le journal intime illustré d’une fillette, accentué par la typographie choisie. Peu importe, l’essentiel est ailleurs, notamment dans les 115 décolletés, 23 paires de fesses et 10 photos de nue répertoriés dans Selfish.
Le paroxysme Kardashian
Selfish, un jeu de mot et un titre évocateur, qui dévoile l’ambition introspective de ce livre. « Égoïsme et Selfie », une addition qui sonne comme l’aveu d’un défaut de la starlette, une justification de l’intérêt de son livre et une anticipation aux critiques qu’il engendrera. Pas besoin d’être expert pour savoir qu’il n’y a aucune démarche artistique dans cette initiative. Souvent de mauvaises qualité, les photos et ses règles (lumière, composition, cadrage,…) ne sont jamais réellement respectées. Ce qui fait de Selfish un objet purement commercial et égocentré. Néanmoins, passé ce détail, l’ouvrage recèle d’une portée intéressante.
En tant que prescriptrice, Kim Kardashian a développé une science du selfie qu’elle a dispensé à ses 30 millions d’abonnés, notamment dans la progression de la qualité du cadrage. Le livre fait donc office de documentation de l’évolution de ses selfies, et du selfie en général. Une introspection visuelle, qui devient la meilleure seule façon pour Kim K de pouvoir s’exprimer efficacement. Puis en englobant des clichés illustrant 8 années, elle livre un témoignage de sa vie en façonnant un nouveau genre d’album photo public. Par ce livre, elle crée un héritage, une occurrence qui restera a posteriori. Peut-être la plus belle incarnation matérielle qu’elle puisse laisser sur Terre après son passage. Une démarche spontanée qui s’ancre éternellement. Aurait-elle eu l’idée lors de son premier selfie en 2006 qu’elle sortirait un bouquin 8 ans plus tard ?
Break the paper
Après avoir brisé nos écrans de télévisions par l’intermédiaire de la téléréalité, l’an dernier, Kim s’est attelée à casser Internet avec son incontournable shooting photo par Jean-Paul Goude pour Paper. Une série de visuels qui lui avait déjà valu à l’époque les critiques de grands médias, qui pointaient la superficialité et l’absence de revendications de ces clichés dénudés. Peu importe, la mannequin et le magazine ont réussi leur mission, les clichés font le tour de la toile et marquent leur temps, notion compliquée à l’ère de l’éphémère.
L’histoire semble aujourd’hui se répéter avec Selfish, qui semble déjà parti pour devenir un best-seller. Les 500 premiers exemplaires signés et mis en vente par un site marchand américain se sont vus arrachés en une minute, et le livre figure comme vente numéro 1 dans la catégorie photo du géant Amazon. Rien d’étonnant pour un bouquin susceptible d’intéresser tant les fans de Kim Kardashian et tout l’engouement qu’elle génère, les collectionneurs, ou les simples curieux, avides de découvrir le phénomène. Sur Instagram, elle recense plus de 2600 publications sur un compte suivi par plusieurs dizaines de millions de personnes. Autant de potentiels acheteurs.
On sépare sans cesse le numérique et le papier. Kim Kardashian a peut-être réussi le meilleur assemblage à ce jour des deux supports en matérialisant son Instagram. De son réseau social favori, elle en a fabriqué un héritage consacrant aussi la victoire d’Instagram. Des photos dédiées à un outil virtuel deviennent d’un coup gravées dans le papier glacé. Au cinéma, on oppose constamment films d’auteur et films du box-office. Si l’on transpose ce poncif à la littérature, Selfish se situe clairement dans la deuxième catégorie et nous donne un aperçu de ce que pourrait représenter un « livre box office ». Un ouvrage qui pourrait faire donner lieu à des suites si l’on garde en tête que seulement une petite partie de ses photos ont été publié.
Mauvaise en tout, experte en rien.
« Kim Kardashian is an entrepreneur, actress, model, socialite, and one of the most famous women in America.» C’est par cette sentence qu’elle est décrite sur une biographie d’un site dédiée à la famille Kardashian. L’expression « une des femmes les plus célèbres des États-Unis », souligne la difficulté de définition précise de sa fonction principale. De la télévision au livre, en passant par le jeu vidéo, les tutoriels de workout et le mannequinat, l’Américaine est une véritable touche-à-tout. Souvent perçue comme une femme dépourvue de talent, elle atteint son but aujourd’hui, en capitalisant au maximum sur sa plastique et son image. Finalement, c’est ici que réside son talent. Incapable d’écrire un bouquin conventionnel seule, elle trouve quand même l’inventivité d’être auteur d’un best-seller. Pionnière de ce mouvement, d’autres célébrités suivront sûrement son chemin, peut-être avec moins de succès étant donné la singularité du personnage qui sied parfaitement au format. Kim K s’inscrit de plus en plus dans notre paysage people en y brouillant astucieusement les pistes. Elle devient aujourd’hui de moins en moins la fille qui a été humiliée par le petit frère de Brandy lors d’une sextape. On peut pleurer la décadence de la société ou le manque de morale de la protagoniste, mais ce livre est tout simplement le reflet de l’évolution de notre époque. S’il existe, c’est surtout parce qu’il y a un public prêt à l’accueillir. Finalement le dernier mot, c’est elle qui l’a déjà donné : « Il faut avoir un sens de l’humour de temps en temps. Beaucoup de gens pensent que prendre tant de selfies est simplement ridicule. Pour moi, ce qui est drôle c’est que j’aime prendre des photos et les poster sur les réseaux sociaux en souvenir. » Haters gonna hate.