Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

Chaque discipline impose une maitrise des fondamentaux, c’est pourquoi le Yardstaff a mis en place un panel de tacticiens confirmés pour décortiquer le genre musical qui infuse la quasi totalité des productions de rap américain et hexagonal : la trap, et plus généralement le southern rap des Etats-Unis. Après lecture et absorption des références de cette joyeuse table ronde, nul doute que ton dab aura une petite saveur supplémentaire.

Didier Deschamps a donc sélectionné 4 intervenants de devoir :

PureBakingSoda aka Le Grimoire. Le journaliste, sous ses airs de ne pas y toucher, est un processeur ultra puissant qui analyse et confronte les acteurs du hip-hop américain avec une pertinence jamais démentie chez nombre de nos confrères. Son blog du même nom est une intarissable mine d’où les rappeurs injustement méconnus reviennent à la vie.

MoFo et DJ Weedim aka Boule & Bill. Le premier, malgré sa couverture de graphiste chez BETC, est un composant de la formation French Bakery (collectif d’alcooliques créatifs qui compte bien inonder ta bibliothèque iTunes et ton dressing au cours de l’année 2017) et traine depuis un bail sa grande dégaine longiligne dans les méandres du dirty south. Weedim, lui aussi élément déterminé de la French Bakery, est un artisan musical hyper actif de la trap française, producteur de forcenés tels que Vald, Biffty ou Alkpote.

@AnthonyATLien aka Andre 3001. Jeune pousse de 25 ans, il est passionné de rap américain et plus particulièrement de la scène sudiste de ces 15 dernières années, il a même habité à Atlanta courant 2013. Sa jeunesse était un gage de fraicheur au milieu des autres individus en cours de fossilisation autour de la table ronde.

La discussion fut animée et bon enfant, et quelques informations étonnantes purent filtrer entre deux gorgées d’Oasis : la trap est sous-traitée en Croatie et Jack Lang serait homosexuel.

Quel a été votre premier contact avec le rap américain du sud ?

PureBakingSoda : Outkast.

Le premier album, Southernplayalistic-mes-couilles [le sublime Southernplayalisticadillacmuzik sorti en 1994, ndlr] ?

PureBakingSoda : Nan j’étais trop jeune. Ça devait être fin 90…

AnthonyATLien : Stankonia ?

PureBakingSoda : Ouais ça devait être Stankonia [4ème album d’Outkast sorti en 2000]. Comme en France et en Europe c’était très New York, le premier truc un peu mainstream du sud qui s’est imposé c’était cet album. En fait quand t’es gamin tu fais pas attention à ce qui vient du sud ou pas. Ma génération n’a pas connu cette période où il y avait que du rap new yorkais, du coup tout était mélangé et je suis rentré dans le rap du sud sans faire gaffe.

AnthonyATLien : Moi c’est un peu comme toi, Ludacris et Outkast presque simultanément. Quand j’ai écouté Stankonia je me suis pris un missile dans la tronche. Quand j’ai entendu « Bombs Over Baghdad« 

… c’était toi Baghdad !

AnthonyATLien : Ouais c’est ça. Je me dis « mais qu’est-ce que c’est que ce truc » ? Après j’écoute Ludacris avec l’album Back For The First Time… wow c’est quoi ces instrus ? Le 808 cogne [le TR-808 est une boite à rythme légendaire dans la musique électronique et notamment dans la production du rap du sud des Etats-Unis]. Après arrive Lil Jon, là aussi je pète un câble. Bref au début des années 2000 il se passe un truc à Atlanta et je me dis que la ville est là pour longtemps.

Et pour toi mon petit Romain ? [prénom de DJ Weedim]

Weedim : Là où j’ai vraiment switché et où je me suis dit y’a un truc qui arrive c’est avec l’album Da Game Is to Be Sold, Not to Be Told de Snoop. Notamment le morceau avec Master P (Whatcha Gon Do?), je me prends la rythmique de New Orleans, j’ai ressenti une violence et un truc street… après j’ai fait des recherches et voilà c’était parti.

Et toi MoFo ?

MoFo : Moi c’était en 90…

…1990 ? Marty Mc Fly, Raymond Barre tout ça ? [Rires]

MoFo : Ouais les premiers Master P et son label No Limit. J’ai fait un tournoi de basket au States et dans l’équipe y’avait des mecs de Memphis et de New Orleans qui étaient à fond No Limit. Déjà graphiquement, tu me connais [effectivement je le connais], je kiffais les pochettes.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

« La scène rap du sud est faite de plusieurs influences, le rock, le blues. L’énergie agressive des riffs de guitare ça tue. »

MoFo

À l’époque fallait être dans le turfu pour kiffer le délire.

MoFo : Ouais au début je comprenais pas trop, initialement j’étais plutôt New York avec l’aspect lyrics et tout. La vraie claque rap du sud pour moi ça a été Three Six Mafia [AnthonyATLien lâche un petit « hum » approbateur]. Quand je suis arrivé en France, je venais de Côte d’Ivoire, je débarque dans un bled de geois-bour à Saint-Germain-en-Laye et j’écoutais du Metal [rires], j’ai chanté dans un groupe de Metal j’avais 13 piges [re-rires]

N’allons pas trop loin dans tes dossiers personnels ! [rires]

MoFo : … et bah quand je me suis pris Three Six Mafia y’avait une énergie similaire. Les lyrics étaient pas vraiment conscients, les mecs peuvent dire un peu n’importe quoi, mais il crache le feu. La scène rap du sud est faite de plusieurs influences, le rock, le blues. L’énergie agressive des riffs de guitare ça tue.

Weedim : C’est ça. Le premier groupe que j’ai kiffé étant tipeu c’était AC/DC. Le premier groupe de rap c’était Onyx. C’était normal que j’accroche sur le Dirty South en fait.

Pour parler de l’origine du mot « trap », quand on va sur Wikipedia y’a une citation de T.I. : « Il y avait la Crunk avec Lil Jon et Organized Noize. C’est moi qui ai inventé le terme pour la musique et c’est ça qui a ouvert la porte pour tous les autres ». Bon déjà Organized Noize et Crunk c’est chelou, mais aussi y’a eu du monde avant T.I.

Weedim : C’est peut-être lui le premier qui a posé le nom.

MoFo : C’est le premier qui l’a marketé.

On sait que l’origine du mot vient de la trap house, qui est le pav’ du dealer du sud où il coffre sa came et ses armes. C’est une musique de dealer à la base.

AnthonyATLien : Oui c’est clairement pas T.I. qui a inventé le mot un matin en 2001.

PureBakingSoda : Là où il est fort c’est que c’est du marketing mais on est là et on en parle. Musicalement il s’inspire de UGK et d’Outkast.

D’ailleurs est-ce qu’on peut dire que Outkast c’est de la trap ? Peut-être à la limite le premier album qui est orienté rue…

PureBakingSoda : Oui ils campent un personnage de pimp pendant tout le disque. C’est leur seul truc un peu caillera. Andre 3000 ensuite il devient végétarien et il sort avec Erykah Badu. Par contre Organized Noize [producteurs iconiques d’Outkast et légendes sous-estimées]ont joué un rôle dans la naissance de la trap.

AnthonyATLien : Il faut le dire ça !

PureBakingSoda : La Dungeon Family, toute l’équipe un peu secrète autour d’Outkast, avec Goodie Mob, Organized Noize etc, y’avait pas mal de caillera là dedans et notamment un gars qui s’appelle Cool Breeze qui sort un album en 99, East Point’s Greatest Hits, qui est produit par Organized Noize avec des prods hyper modernes funk, un peu country. Le mec dessus va rapper de façon saccadé et c’est des flows qu’on retrouvera après chez Jeezy et T.I., et il le fait sur des prods d’Organized Noize. Y’a pas encore le nom trap mais dans une certaine mesure on y est. Et c’était quelque chose qui devait être très répandu mais on le savait pas, y’avait pas internet, la presse s’en foutait.

C’est une des grosses vertus d’Outkast, c’est d’avoir mis Atlanta sur la carte.

PureBakingSoda : Avec la Dungeon Family on avait un petit coup de projecteur sur cette scène à un moment donné. Donc on ne sait pas comment ça a véritablement commencé mais avec le disque de Cool Breeze on sait qu’il y avait des flows comme ça à la fin des années 90

AnthonyATLien : Je voudrais rebondir [il nous tend des impressions d’une qualité assez discutable]. Regardez, dans le clip d’Outkast de Rosa Parks en 98, on voit le mot trap dans le fond. Bon mon imprimante déconnait un peu mais on voit…

Ah ouais, là il faut un ophtalmo… [rires]

AnthonyATLien : Dans le clip le mot clignote on voit que ça.

Justement sur les termes… il y a le dirty south, le crunk, la drill à Chicago, la trap maintenant…

MoFo : Avec la Crunk ils voulaient faire un truc gangsta mais aussi très festif, pour toucher tout le monde. Tu vois bien chez Lil Jon, tout le package, le look, l’artwork, ça se voulait plus démocratique.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

« À la base c’est les flows de Memphis. Après si tu demandes à Migos qui est Lord Infamous, je suis sûr qu’ils l’ont jamais écouté, c’est des gamins d’Atlanta. »

PureBakingSoda

La crunk c’est un peu de la trap pré-natale qui voulait rentrer dans les clubs.

PureBakingSoda : L’album qui fait un peu la transition entre la crunk et la trap c’est Causin’ Drama de Drama qui sort début 2000 où le gars fait de la trap sans faire exprès je pense. C’est produit par Shawty Redd [tout le monde réagit avec des borborygmes respectueux à l’évocation du légendaire producteur] qui a écouté Lil Jon et toute la vague No Limit. Il crée la trap par hasard en réunissant les deux, ces espèces de rythmiques militaires qu’il y a chez No Limit associées aux synthés et aux trucs très froids de la crunk. Je pense qu’à l’époque il devait être vendu comme un disque de crunk mais en l’écoutant on a l’impression d’écouter un truc anachronique de trap actuel. Pour revenir aux termes dont tu parlais, je ne crois pas qu’il y ait eu une musique appelée dirty south. On avait une vision déformée de la presse hip hop qui était essentiellement new yorkaise et méprisante pour le rap du sud.

MoFo : Les rappeurs du sud c’était les « country boys », les campagnards, les pouilleux…

AnthonyATLien : Outkast se fait même humilier au Source Awards de 1995, ils gagnent le prix du meilleur nouvel artiste de l’année en pleine guerre East Coast/West Coast et ils se font huer. Andre 3000 dit « le sud a des choses à dire ». C’est prophétique, 5 ans après Ludacris et T.I. arrivent, Lil Jon explose, ensuite Jeezy et Gucci Mane.

Un des mecs qui a porté toute cette culture et qui l’a mise au premier plan, et je pense que vous serez d’accord, c’est Mannie Fresh [tout le monde acquiesce à l’évocation du sérénissime producteur ô combien légendaire, coupable de livrer hit sur hit et ce dès les années 90 avec le label Cash Money de Birdman et Slim]. C’est une sorte de DJ Premier du sud. D’ailleurs est-ce que c’est pas un peu lui, avant Timbaland et les Neptunes, qui a mis ce truc festif dans le rap ?

Weedim : J’en reviens encore à New Orleans puisqu’il vient de là-bas. Ils ont cette rythmique, cette culture festive, les cuivres, les drums.

AnthonyATLien : C’est une ville à 80% noire, avec des racines de descendants d’esclaves, à fond dans le carnaval, le jazz festif, et c’est ce que Mannie Fresh a apporté dans sa musique.

Pour aller un peu dans l’actu, on dit souvent que les mecs de Migos ont inventé un flow.

AnthonyATLien : Le Triplet Flow, le flow en trois temps ouais. Lord Infamous, qui est un affilié de Three Six Mafia, le faisait déjà il y a 20 ans. Bon c’était pas aussi épuré et propre que Migos… E-40 le faisait déjà aussi.

C’est peut-être leur génie, de remettre ce flow au goût du jour.

PureBakingSoda : À la base c’est les flows de Memphis. Après si tu demandes à Migos qui est Lord Infamous, je suis sûr qu’ils l’ont jamais écouté, c’est des gamins d’Atlanta. Leur influence reconnue c’est Future, qui est de la même ville et un peu plus vieux. D’ailleurs au passage Future est membre de la Dungeon Family.

Ah putain je savais pas.

PureBakingSoda : C’était un mec de l’ombre, il écrivait des refrains pour Ludacris etc. Il connait bien le rap, il a écouté Lord Infamous lui. Sur son premier album il invite Juicy J [membre historique de Three Six Mafia toujours actif aujourd’hui] et il rappe comme un mec de Memphis et c’est la première fois qu’on entend un mec d’Atlanta qui rappe sur tout le morceau en Triplet Flow. Et du coup les mecs de Migos c’est ça qu’ils ont entendu et c’est ça qui les a influencés.

Weedim : Mais c’est eux qui ont popularisé ce flow à un niveau incroyable. Je pense qu’il y a des rappeurs qui sont devenus rappeurs grâce à eux. C’est Zaytoven (autre producteur incontournable du sud, hitmaker attitré de Gucci Mane) qui a dit dans une récente interview que Migos avait changé la face du rap et c’est vrai.

Comme tous les courants musicaux qui marchent, la trap subit une récupération d’artistes plus mainstream comme Kanye West, Drake, Big Sean… Qu’est-ce que ça vous inspire en tant que puristes du genre ? Ça vous écorche le slip ?

MoFo : Non parce que la revanche de cette scène qui était méprisée est juste dingue. Après c’est sûr qu’il y a aujourd’hui une réelle uniformisation du rap.

Weedim : Y’a un marché, une tendance, et les artistes font aussi ce qui marche. Si demain t’arrives avec un flow New York 97 et le beat qui va avec c’est pas gagné.

AnthonyATLien : Moi ça me fait un peu chier. Avant j’aimais bien le régionalisme du rap, sa diversité. Avec internet et l’accès facilité à la musique tout est trap, ça me dérange.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

PureBakingSoda : C’était déjà le cas avant, c’est juste qu’avec le temps ce qui reste c’est les trucs différents. Y’a toujours le son du moment qui influence tout le monde. Y’a des mecs de partout qui se sont mis à faire du G-Funk après N.W.A., maintenant c’est la trap c’est comme ça. Même la pop est influencé, Miley Cyrus a fait des sons avec Mike WiLL Made-It [gros gros producteur du sud qui vient de sortir son album Ransom 2. Il produit tout le rap game, dont ses protégés Rae Sremmurd, et est l’artisan de trois tracks dans DAMN. de Kendrick Lamar].

Et ça donne des morceaux plutôt chauds !

Weedim : Moi qui suis DJ y’a un moment si les tracks sont bons et que ça marche je cherche pas à comprendre qui-quoi-comment-pourquoi j’m’en bats les couilles, tant que les gens kiffent.

AnthonyATLien : Je suis pas d’accord. De voir Miley Cyrus prendre les codes trap, « high as fuck », grillz, etc. C’est une caricature, je kiffe pas.

PureBakingSoda : Mais Gucci Mane par exemple, c’est un fils de profs, il a fait beaucoup de prison mais jamais pour trafic de drogues ou braquage, on pourrait lui faire les mêmes reproches et pourtant personne ne lui fera jamais et je crois qu’on l’adore tous ici. L’aspect caricatural on peut l’appliquer à tellement de personnages.

Weedim : J’appelle ça plutôt de l’entertainement.

PureBakingSoda : C’est ça. Ils ont une autre vision des choses.

AnthonyATLien tu as eu un discours qui ressemble un peu aux discours de puristes new yorkais.

AnthonyATLien : [ferme] Mais je suis un puriste Dirty South ! De 2000-2006, jusqu’à T.I. King je dirais [4ème album de T.I.].

« De voir Miley Cyrus prendre les codes trap, ‘high as fuck’, grillz, etc. C’est une caricature, je kiffe pas. »

@AnthonyATLien

Sur l’aspect lyrical de la trap c’est vrai qu’elle est souvent réduite à des paroles sans trop de prises de tête qui décrivent un lifestyle de dealer et de clubs de strip. Est-ce qu’il n’y a pas des lyricistes du genre malgré tout ? MoFo je sais que tu apprécies 2 Chainz et Gucci pour leur humour…

MoFo : 2 Chainz est vraiment drôle. Il y a clairement chez les deux ce petit génie comique

PureBakingSoda : T’en a plein des talentueux en écriture. Scarface des Geto Boys par exemple. Y’a Starlito qui s’inspire de lui. C’est des mecs qui pourraient poser sur des prods new yorkaises, on y verrait que du feu. Et puis le genre est très diversifié, tu peux passer de Scarface à Soulja Boy sans problème [rappeur du sud un peu « léger » qui a pondu le tube planétaire Crank That].

MoFo : Le rap n’est pas un truc qui doit se cantonner à un truc conscient. La musique c’est comme les films, des fois j’ai envie de regarder Dum & Dumber [film humoristique à la débilité assumée, avec Jim Carrey] et d’autres fois j’ai envie de…

… alors vas-y dis moi ça va être quoi ta référence intellectuelle ?

MoFo : La Liste De Schindler ! [tout le monde se tape une barre]

Y’a un débat autour de la trap dans la continuité de ce qu’on disait, est-ce que c’est du « vrai hip-hop » ? C’est un sous genre qui véhicule beaucoup de valeurs mercantiles, on vend de la came, on met des strip teaseuses dans les clips etc…

Weedim : On reste dans la culture hip-hop, sur une base de street, de lifestyle, de débrouillardise, et ça rappe ! Point final ! Faut arrêter de toujours tout intellectualiser. Le premier album de Soulja Boy j’ai trop kiffé ! Et j’ai des potes qui me disaient : « mais t’es cinglé faut écouter Mobb Deep ! ». Je sais pas si c’est la France ou quoi mais y’a toujours un besoin de se prendre au sérieux. C’est vraiment fatiguant.

AnthonyATLien : Pour revenir au thème des lyricistes, je pense qu’effectivement il fallait citer Scarface, y’a Andre 3000 évidemment, et Bun B de UGK. Pimp C [l’autre membre de UGK, légende s’il en est, et décédé en 2007] était plus charismatique donc il plus pris la lumière mais Bun B a vraiment de bonnes paroles.

Je continue à endosser le rôle d’avocat du diable, mais c’est vrai que la trap, au niveau des prods, est parfois d’une redondance incroyable.

Weedim : Au début ça m’a beaucoup fait penser au business du Dancehall, t’as une profusion de musique, des centaines de morceaux par semaine. Le sud c’est pareil. Alors évidemment que là-dedans y’a du bon et du moins bon.

Toi justement qui es un producteur affilié trap, c’est vrai que le genre a une tendance à se répéter.

Weedim : En fait y’a des codes c’est tout. Comme le rap new yorkais, comme la west coast. T’as ton 808, ton snare [caisse claire de batterie], ton charley et une fois que t’as tous les ingrédients tu mélanges et t’as ce beat là. Il suffit de changer une snare pour qu’on soit plus dans les codes de la Trap. C’est des banques de sons bien précises.

Ok mais tu vois si tu écoutes toutes les prods de Zaytoven… déjà tu prends 3 jours [rires], et ensuite tu peux te dire : « merde le gars n’a fait qu’un beat ».

AnthonyATLien : Le truc aussi c’est que c’est les mêmes producteurs qui monopolisent le marché. Mike WiLL Made-It est partout, Metro Boomin est partout, Zaytoven est partout.

Weedim : Est-ce que c’est pas un peu de notre faute aussi ? Parce qu’on est focalisé sur ces producteurs là, parce qu’ils ont un marketing de bâtards etc, mais à côté y’a autant de mecs qui font des trucs différents.

Perso je suis hyper fan de Mike WiLL Made-It.

Weedim : Ouais, moi j’aime bien mais c’est pas celui qui me touche le plus.

PureBakingSoda : Mais ce qu’il faut savoir avec lui c’est qu’il ne touche plus aux machines. Il a son pôle de producteurs, EarDrummers, qui font les sons, mais c’est lui qui s’approprie le crédit du morceau parce que son nom est plus vendeur. Quand c’est des projets maison les mecs sont crédités mais sinon c’est labelisé Mike WiLL Made-It parce que c’est lui la vitrine.

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C’est quoi vos producteurs du sud du moment ?

AnthonyATLien : Metro Boomin forcément, incontournable.

Weedim : Metro c’est comme Mike WiLL, que du ghost, il fait plus rien. Celui que je respecte, mon préféré, c’est TM [TM88, producteur d’Atlanta très en vue également, initialement dans le pôle de producteurs 808 Mafia]. Bon il fait aussi des arrangements par d’autres mecs, mais c’est celui que je trouve le plus original.

AnthonyATLien : Mais c’est qui leurs ghost producers ?

Weedim : C’est des mecs de Suède ou de Finlande je sais plus.

Ah ouais ? La trap vient de Stockholm c’est ça que t’es en train de nous dire ? [rires]

MoFo : C’est qui déjà le gars de Croatie qui fait du son pour tous ces gars ?

Weedim : Gezin 808… Bon en fait c’est simple, tous les mecs, Southside, Mike WiLL, TM88, Sonny Digital, Travi$ Scott, PARTYNEXTDOOR, ils sont tous pluggés avec un croate, c’est Gezin. Lui à la base c’est un mega geek qui va chercher des nouveaux synthés, des nouveaux kits de sons. Avec internet il a linké avec tous les gars d’Atlanta, et toutes les banques de sons des mecs que j’ai cités viennent de ce gars là.

Bon ok… mais sur le principe c’est pas gênant, le mec fournit les producteurs « stars » en texture de sons, ensuite les autres font leur cuisine.

Weedim : Ouais ouais ça tue ! Mais c’est quand même marrant de voir que toute la base de la crème de ce qui se fait en ce moment aux states vient d’un gars qui geek sa race derrière son écran en Croatie !

Un truc qu’amène la Trap, même si c’est peut-être Kanye le réel instigateur, c’est l’aspect androgyne du rap d’aujourd’hui, avec des gars comme Young Thug, Rich Homie Quan ou iLoveMakonnen.

MoFo : Bah Makonnen a même récemment fait son coming out sur twitter. Ce qu’il faut savoir c’est qu’à Atlanta y’a une énorme communauté gay afro-américaine. D’ailleurs mon demi frère est gay et il habite là-bas…

Tu sors ! YARD est sexiste et homophobe ! [rires]

MoFo : Quand j’y suis allé je me suis rendu compte de ça. Mais ça existait déjà dans les années 90-2000, y’avait des grosse soirées homo-thuggin à New York.

AnthonyATLien : Atlanta c’est la troisième ville des Etats-Unis en terme de population gay, derrière San Francisco et New York. MoFo a raison, la sociologie d’Atlanta explique peut-être cet aspect de hip-hop androgyne.

Weedim : Bon et tout le monde parle du côté gay de Young Thug mais depuis le début le gars met en avant sa meuf !

MoFo : Jack Lang aussi mettait en avant sa meuf ! [hilarité générale]La vérité c’est qu’on s’en bat les couilles. C’est de la musique, point.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

« Bon en fait c’est simple, tous les mecs, Southside, Mike WiLL, TM88, Sonny Digital, Travi$ Scott, PARTYNEXTDOOR, ils sont tous pluggés avec un croate, c’est Gezin. »

DJ Weedim

Bon, citez moi chacun 3 albums du sud qui vous ont pété la tête à tout jamais.

Weedim : Moi sans hésiter King Of Crunk de Lil Jon.

MoFo : Ah putain bah ouais je suis d’accord.

AnthonyATLien : Moi aussi.

Weedim : En deuxième je dirais D4L, leur album Down 4 Life.

MoFo : Putain je l’ai écouté tout à l’heure. T’es vraiment trop mon pote.[rires]

PureBakingSoda : Flockaveli de Waka Flocka. C’est un accident total, c’était une mixtape à la base, ça devient un album. Il a condensé tout ce qui s’est passé avant, et tout ce qui se passera après dans la trap music. C’est 1h30 d’émeutes. Ce qui est fou c’est que le mec ne rappait pas deux ans avant, c’est sa mère qui lui a dit « vas-y rappe c’est mieux que de se tuer dans la rue », du coup il sort ce disque là et sans faire exprès ce gars a changé la pop. Je pense que c’est ce disque que Rick Ross se prend dans la gueule et après il fait « BMF » et le producteur du track, Lex Luger, devient une méga star. Bref Flockaveli est pour moi incroyable et parfait.

Weedim : Je vais rajouter Hard To Kill de Gucci Mane.

MoFo : Ouais c’est clair.

PureBakingSoda : Je mets un Gucci aussi, Chicken Talk. C’est sa première mixtape et c’est la première fois qu’il n’écrit plus ses textes, il freestyle. Du coup c’est de l’écriture automatique.

André Breton ! [chef de file du mouvement littéraire des Surréalistes qui utilisait l’écriture automatique, à savoir écrire au fil de la plume sans réflexion préalable]

PureBakingSoda : Ouais c’est limite ça, c’est n’importe quoi ! Et pour moi il n’a jamais réussi à faire un projet aussi bien que ça. C’est quasi intégralement produit par Zaytoven.

MoFo : D’ailleurs Gucci/Zaytoven c’est mon combo rappeur/producteur préféré ever. Et dans mon top des albums je rajouterais When The Smoke Clears de Three Six Mafia.

AnthonyATLien : Moi je mettrais Southernplayalisticadillacmuzik, le premier Outkast. Ils avaient 16 ans et ils l’ont enregistré avec Organized Noize en sortant des cours, et pourtant c’est d’une exceptionnelle maturité. Quand je me souviens de moi à 16 ans c’est clair que j’étais pas au niveau, et même là à 24 ans je pense pas être au niveau de ce disque.

Alors je te rassure tout de suite, c’est certain que non [rires] mais tu es quand même quelqu’un de très intéressant.

AnthonyATLien : Après je mettrais Word Of Mouf, le deuxième Ludacris. Notamment pour le producteur Bangladesh qui se révèle dans l’album.

MoFo : Putain mais il a complètement disparu lui !

Weedim : Peut-être que la drogue l’a emporté, tout simplement.

AnthonyATLien : Nan je crois pas.

Weedim : Mmmh j’ai vu une photo de sa gueule avec une qualité de peau pas claire ! [rires] Et puis en plus, en vrai, il s’est fait archi douiller sur les royalties de A Milli [le tube interstellaire de Lil Wayne, produit par Bangladesh], je crois que c’est ça qui l’a plombé à tout jamais.

AnthonyATLien : Et en troisième album je dirais Tha Carter 2 de Lil Wayne.

PureBakingSoda : On parle du rap du sud depuis une heure mais on avait pas cité Lil Wayne une seule fois.

MoFo : Ouais c’est clair ! Les gens aujourd’hui qui disent encore que Lil Wayne c’est un rappeur de merde… nan mais les gens sont fous. C’est une icône de cette musique.

PureBakingSoda : En troisième je dirais The Diary de Scarface.

Ah ouais il est fou celui-là.

PureBakingSoda : Il m’a marqué à vie.

Bon bah c’est bon on a fini je pense. Après c’est toujours le problème de ces tables rondes, c’est qu’il faudrait une semaine sans s’arrêter.

AnthonyATLien : Juste un dernier truc. Est-ce que vous voyez un autre mouvement remplacer la trap ?

Weedim : Bah là y’a même pas les prémices d’un autre truc. Revoyons-nous dans 5 ans même heure même endroit et peut-être…

MoFo : Quand même je trouve que la grime anglaise fait du boucan en ce moment.

Ouais mais si ça avait dû percer à l’internationale ça ferait longtemps.

MoFo : Y’a des gars comme Stormzy qui sont chanmé…

L’album est sorti y’a un mois, t’en as entendu parler ?

MoFo : Euh non… Wesh on a dit les prémices, qu’est-ce qui t’arrive ? [rires]

AnthonyATLien : Pourquoi pas Toronto. Y’a 10 ans ils existaient pas et maintenant c’est une métropole du hip-hop.

Noirmoutier sinon. [rires]

Weedim : Moi faut vraiment que j’y aille.

Bon bah on arrête parce que sans Weedim on est rien. [rires]

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