Throwback : le dernier shooting de Kurt Cobain (1994)
La vie a cette particularité de faire de simples moments ordinaires des légendes après quelques instants, jours ou années. Le genre de moment que l’on souhaite vivre pleinement, avec plus d’entrain et moins d’innocence, pour pouvoir en saisir toutes les subtilités qui aideront à résoudre ces mystères qui se mueront en obsessions pour certains. C’est peut-être avec ce ressentiment que le photographe Youri Lenquette se remémore un de ces instants historiques ; lui qui deviendra un soir de février 1994, le dernier à immortaliser le leader du groupe Nirvana, Kurt Cobain, sur une série photographique avant son suicide quelques semaines plus tard.
C’est au cours d’une tournée du groupe en Australie que le photographe, alors journaliste pour la presse rock, rencontre ses membres et se lie d’amitié avec le meneur du groupe. Un homme qu’il qualifie d’ « une personnalité très attachante, pleine de raffinement et d’une douceur presque féminine ou enfantine. Mais c’était aussi quelqu’un d’extrêmement perturbé et fragile, même si j’aurais jamais pensé qu’il ferait ce qu’il a fait ». Impossible évidemment pour Youri Lenquette de prévoir ce suicide qui a surpris le monde entier, même s’il est à cette époque conscient de l’état mental de l’artiste. Une mort qui éveillera des interrogations notamment sur les signes annonciateurs de cet acte lors de cette séance photo.
Revolver 22 long rifle pointé à bout de bras, doigts contractés sur la détente, un œil fermé et l’autre dans le viseur ; telle est la posture qu’arbore le chanteur sur la photo la plus marquante du shooting. Lui qui évite toute sa vie les caméras et les appareils photos, refusant tout shooting habituellement, sollicite cette fois lui-même le photographe, devenu son ami, pour une séance improvisée. Kurt y est habillé d’un pull vert déchiré sur le torse, comme s’il venait d’achever un combat, une guerre, peut-être contre lui, et qu’il s’apprête à mettre un terme à cette souffrance à l’aide d’une arme à feu. Une arme à feu, comme le fusil qui mettra fin à ses jours dans sa maison à Seattle, le 5 avril. Si la mise en scène du shooting est propice aux multiples hypothèses et supputations les plus fantaisistes, on peut quand même s’interroger sur la signification et l’importance que ces photos ont pu avoir pour Kurt Cobain, lui qui a insisté pour poser avec son –faux- pistolet. Une simple envie, un appel à l’aide, ou un testament ? On ne le saura peut-être jamais et c’est ce qui tend à rendre cette photo et cet instant légendaires.