#TBT : Dee Brown, inventeur du dab (1991)
L’origine du dab, tout comme le twerk de Rihanna sur Drake dans le clip du titre « Work », fait couler l’encre et la salive. Dans l’ignorance la plus totale, tous spéculent, tous conjecturent mais aucun n’y est vraiment. Des plus comiques qui l’attribuent aux personnages des mangas Dragon Ball Z ou Naruto, aux plus créatifs qui mettent en scène sa création comme Maskey, sans négliger ceux qui sont complètement à côté de la plaque comme Bow Wow ou encore ton voisin de classe qui croit encore que Paul Labile Pogba l’a inventé ; personne n’en connaît réellement la genèse… Migos, eux-mêmes n’en ont aucune idée. Certains associent son invention à Skippa Da Flippa, pourtant, dans l’ombre, une personne en revendique discrètement la paternité, à raison ou à tort?
Sors ta tête de ton coude, déplie ton bras, jeune trappeur. Bien. Maintenant pose-le et laisse-nous revenir sur l’événement en question pour toi. « Pipe it up ! »
“The dab been’ around like about two years, we been’ doin dat we didn’t even know it was called Dab. We just needed it to drop on the beat. Huuh / Le dab est là depuis deux ans, on le faisait mais on ne savait pas que ça s’appelait comme ça. Ça sert juste marquer le rythme. Huuh.” – Quavo, chef du groupe Migos.
À défaut de lui avoir donné son engouement médiatique actuel, le basketteur Dee Brown revendiquait, il y a peu, la paternité du dab. Selon lui, l’histoire remonte au Slam Dunk Contest de 1991. Comme chaque année, des buildings humains aux bras longs enchaînent les dunks spectaculaires. Kenny Smith ouvre le bal. Derrière lui, sept autres concurrents battent littéralement des pieds et des mains pour le titre de meilleur dunker. Et parmi eux, le numéro sept des Celtics, Decovall Kadel « Dee » Brown. « 180 » avec le panier dans le dos, « reverse jam » à deux mains, dunk à deux balles, « 360 »… Ce dernier n’a de cesse d’innover au grand plaisir des spectateurs. Malgré tout, que ce soit Shawn Kemp, Rex Chapman, ou encore Blue Edwards, tous surenchérissent une heure durant pour ne pas se laisser éliminer.
L’heure tourne. Plus que 10 minutes. La tension monte, la fin approche. Sous le regard amusé de Magic Johnson, les athlètes se démènent pour faire la différence. Brown, au milieu, tient ferme et grimpe en pression progressivement. Kemp aussi. Il vient d’exécuter un « windmill jam », remportant ainsi 47.3 points. Le sort en est jeté, le numéro 40 des Seattle Sonics sera l’adversaire de Brown en phase finale. Trois dunks pour faire la diff’, trois dunks pour départager ces deux titans. Bang. Plus que deux. Boum. Plus qu’un. Wow. Kemp vient d’exécuter un terrible « 360 », laissant la foule hébétée. L’excitation est à son comble, le moment fatidique approche. Silence. Dee s’élance du milieu de terrain. À chaque pas, le public se tait un peu plus. Lancé, il semble que rien ne puisse stopper le géant dans sa course. Il s’élève, majestueux, mais… geste incongru, enfouit sa tête dans son coude alors qu’il se dirige vers le « rim » et écrase la balle dans le filet. Il vient d’exécuter le « no see dee », le tout premier dab à apparaître à la télévision. Le résultat : un dunk inattendu, et pour le moins original, qui lui permet de défaire son adversaire.
“I was just tryna dunk, I didn’t know I was gon’ start a trend / Je voulais juste dunker, je ne savais pas que j’allais lancer une mode.” déclarait Brown. À vrai dire, personne ne savait que le geste prendrait l’ampleur actuelle, surtout 24 ans après. Il faut dire qu’en soi, difficile de faire le lien entre les deux phénomènes. Le nom diffère, le sens aussi. Tous les deux consistent à se cacher la tête dans son coude, néanmoins le dab s’utilise plus pour marquer le beat en écoutant de la trap. Toutefois, le « no see dee » comme le dab sont des gestes marquants et pétris d’audace, d’assurance. Dunker, la tête dans son coude requiert du culot. Dabber quand on s’appelle Hillary Clinton et que l’on concourt pour le poste de Président de la République Démocratique Américaine en requiert au moins autant. De même dabber, durant le culte retransmis à la télévision lorsque l’on est le petit garçon de type caucasien devant la caméra, ou lorsque l’on est Cam Newton et que l’on risque de déclencher une bagarre avec une équipe de joueurs de football américain, demande une grosse dose d’assurance. C’est ce en quoi, il est possible de donner raison à Dee Brown. Le no « see dee », le geste et l’audace qui l’accompagnent, est bel et bien l’ancêtre du dab.
Par ailleurs, c’est cette arrogance effrontée qui a permis à Dee Brown de remporter le Slam Dunk Contest, et au dab de se populariser jusqu’à devenir « a way of fashion » comme l’affirmait Migos. Mis à part quelques mondains, les célébrités qui ont adopté le geste depuis le titre « Look at my dab » ne se comptent plus. L’équipe des Carolina Panthers, Lebron James et les Cleveland Cavaliers, Future, Drake, Wiz Khalifa, Rihanna, les présentateurs de Fox News, et donc l’épouse de Bill Clinton… Mais comme cette dernière, beaucoup feraient mieux de s’abstenir. « Dabbin’ is a way of fashion ? » Pour le meilleur, comme pour le pire.
https://www.youtube.com/watch?v=cea6mFRL3DE
Parmi toutes les danses devenues virales connues par la culture urbaine, le dab se démarque par son unicité et sa popularité fulgurante pour une raison. Quand les autres se pratiquent pour le partage, donc à plusieurs, rythmées par des cris de joie, des rires, le dab en est le parfait opposé. Narcissique, furtif, brusque, il est autotélique. Il se pratique pour lui-même, pour l’amour du beau geste, pour sa propre survie. Contagieux, il se pratique parce qu’il est enivrant. Parce qu’« une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer. » Actualisé par le trio Migos, certes, le geste a tout de même été pensé par l’ancien meneur des Celtics. Rendons donc à César ce qui est à César, et à Brown ce qui est à Brown. « Right? Now, dab on ’em. Huh ! »