TBT : Quand Muhammad Ali sauve la vie de Joe (1981)

Retour en 1981. Toujours charismatique et toujours légendaire, Muhammad Ali conclut cette année-là sa carrière de poids-lourd. Ses combats ne sont plus aussi glorieux et son « Last Hurrah », son avant-dernière opposition face à Larry Holmes, ne recevra pas la considération espérée par le champion. Pourtant, le personnage n’a rien perdu de son éloquence et de sa grandeur. La preuve en une image.

 

C’était un lundi. En tout début d’après-midi, le 19 janvier, Joe, un jeune afro-américain de 21 ans, grimpe à l’échelle incendie d’un immeuble du boulevard Wilshire à Los Angeles. Au neuvième étage, il s’arrête et se pose sur le rebord d’une fenêtre en hurlant qu’il est prêt à se suicider puis hystérise dans un jargon militaire, que les « Vietcongs » vont venir le chercher. Très vite, la police arrive sur place. Les forces de l’ordre tentent sans succès de le raisonner, elles font appel à des professionnels : d’abord un psychiatre, puis un aumônier, qui n’arrivent pas à convaincre le jeune homme de descendre. Joe se balance alors dangereusement et dans la foule qui s’amasse à ses pieds, certain cyniques lancent des « Saute ! Saute! ».

C’est à ce moment qu’Howard Bingham assiste à la scène. Photographe autodidacte réputé pour ses clichés mythiques du boxeurs Muhammad Ali, il est l’un de ses meilleurs amis. Soucieux de la finalité de cet évènement, l’artiste approche la police en leur proposant de ramener Ali, qui habite tout près de là. Si Bingham est certain de l’influence de son ami qu’il a pu éprouver lors de multiples voyages autour du monde, les policiers ne sont pas pour autant convaincus.

« Je suis retourné à ma voiture et j’ai appelé Ali quand même. Je lui ai dit qu’il y avait un gars là-haut, dans l’immeuble à un mile de chez lui et qu’il pouvait peut-être y passer. » raconte le photographe. Ali monte alors dans sa Rolls-Royce, apprêté d’un costume immaculé. En arrivant par la mauvaise direction et les phares allumés, le boxeur refroidi encore plus la police déjà peu enclin à ce qu’une célébrité intervienne, tel un héros en plein film Hollywoodien. Le sergent Bruce Hagerty, sur place ce jour-là, raconte qu’ils ont finalement changé d’avis :  » Joe disait qu’il allait sauter de tout façon et il était proche de le faire. Nous avons décidé de donner une chance à Muhammad de lui parler. »

Ali monte alors les neuf étages et par la fenêtre la plus proche, il apparaît à Joe qui s’exclame instinctivement :  » C’est vraiment toi ? «  Les deux hommes discutent alors et l’athlète apprend que son interlocuteur déprime à cause d’une situation familiale et professionnelle délicate. Le poids-lourd demande alors à s’approcher afin de faciliter la discussion et se retrouve à la sortie incendie. Puis à Joe de raconter que la police le pensait armé et que personne ne voulait s’approcher de lui. Avant de monter, le champion lui aurait dit « Je sors, mais ne me tire pas dessus.« ; ce à quoi Joe aurait répondu : « Je ne tirerai pas. Je n’ai même pas d’arme. »

Leur conversation reprend, et Joe exprime à ce moment tout son mal-être : « Je ne vais pas bien. Je ne vais pas bien. » Ali lui rétorque passionnément : « Tu es mon frère. Je t’aime et je ne te mentirai pas. Tu dois m’écouter. Viens à la maison avec moi, rencontrer quelques uns de mes amis. – Pourquoi tu t’inquiètes pour moi ? Je ne suis personne. – Tu n’es pas « personne » ! »  Ce leader de la communauté afro-américaine est ému aux larmes par le trouble du jeune homme. Pour l’empêcher de sauter, il lui propose de l’aider à trouver du travail, d’intercéder en sa faveur auprès de ses parents et fini par lui dire : « Si tu sautes, tu iras en enfer, parce qu’il n’y a aucun moyen de se repentir. »

C’est après 30 minutes d’échange que Joe finira par descendre avec Muhammad Ali. Le champion du monde, une fois l’incident terminé, déclare à la presse : « Joe connait mon adresse. Je leur [les forces de l’ordre, ndlr] ai dit de me l’amener une fois qu’il auront fini avec lui. Je l’aiderai. Il sait qu’il a une maison, ma maison. »

Une histoire qui fini bien et qui renforce la légende du boxeur charismatique désigné ensuite par la presse comme un « superhéros ». Pourtant, trois mois plus tard, Joe tente à nouveau de se suicider sans y parvenir. Quand la police le récupère, une nouvelle fois, le jeune homme dénonce alors la pression de l’effervescence de la médiatisation dont il a été l’objet lorsque Ali lui sauva la vie.

Dans le même genre