In the office : Tealer

Quand on débarque chez Tealer ce qui frappe ce n’est pas l’odeur de weed non, l’équipe ayant instauré récemment la règle de ne plus fumer au travail, mais plutôt que l’endroit pue la vie. Le bureau est constamment en mouvement, le bordel y est méticuleusement organisée, c’est agréable et ça se sent. Pour vous nous nous sommes glissés dans les locaux de Tealer afin de vous faire pénétrer dans leur univers, nous avons pris quelques photos et Jeff, Alex et Feli nous ont décrypté l’esprit du crew.

Comment a commencé Tealer ?

Alex : En 2011 avec Jeff, on habite tous dans une colloc et on cherche à faire des trucs : des potes tiennent un bar, le Workshop, d’autres lancent une boîte de prod qui ont fait En Passant Pécho, Get A Way. Feli habitait à 500 mètres. On a un peu d’argent de côté et on achète notre première machine à impression.

C’est cette machine qui vous a lancé ?

 Alex : C’est avec elle qu’on a fait le premier t-shirt. C’était le Steve Urkel avec écrit « Wesh », et on a commencé à faire des t-shirts basiques : une photo qui te rappelle quelque chose, une phrase qui te donne la punchline. Puis on l’a écoulé pas mal mais main à main. On avait affiché tous les t-shirts dans le bar La Droguerie Moderne.

Jeff : Les gens demandaient, « Où est-ce que je peux avoir ça », et le gars du bar répondaient : « Attends, j’appelle le mec. » Et nous on venait le soir boire un coup et ils attendaient leur t-shirt.

Alex : Après, on nous a passé ce local (l’adresse de leur magasin actuel, 11 rue Alexandrie 75002 ndlr) et à la base on avait la cave, ceux qui ont commencé au début connaissent la cave. Tu rentrais par le magasin d’à-côté, tu descendais et là tu avais un bout de cave.

Jeff : On n’avait pas pignon sur rue, on n’avait pas d’enseigne. Il fallait nous connaître.

Alex : Et on avait des petits qui prenaient dix pièces et qui nous ramenaient l’argent après. On mettait un système en place où les petits qui vendaient, ils géraient nos Twitter et du coup, ça twittait et ça livrait aux sortie de métros. Les petits gars qui nous aidaient, ils prenaient leur pièce sur chaque t-shirt. De vrais dealers de t-shirts.

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Jeff : En soit, tu gagnais beaucoup plus d’argent en vendant nos t-shirts qu’en vendant des barrettes. Sur chaque tee, les petites prenaient 10€, ils étaient contents.

À quel moment, vous êtes passés de cet esprit de dealer de t-shirt à quelque chose de structuré ?

 Alex : Viralement, ça a fait son effet jusqu’au moment où ça à dû être déclaré parce qu’on commençait à faire un peu trop d’argent.

Jeff : Ouais et il y a eu la vidéo au carnaval Colette, on se baladait dans la queue et on vendait les tees. C’est ça qui nous a fait connaître au grand jour, on a été rebloggé partout et là c’est vraiment parti.

Alex : Il a fallu officialiser tout ça. En janvier 2012, on a monté la société.

Quand êtes-vous entrés dans le magasin ?

 Alex : En septembre 2011, on entre au sous-sol en on a mis l’enseigne la 1er janvier. On est parti de 1 000€ de capital et une machine à six mois après : la boutique, les gens qui travaillaient, des machines et la reprise complète de tout le lieu car on avait juste la cave prêtée gratuitement. On ne payait même pas, c’était gratos !

Jeff : Quand on l’a repris, on s’est vraiment demandé comment on allait payer le loyer. On faisait des calculs au t-shirt près pour savoir.

Alex : Quand on a pris la boutique, on n’avait que 10 000 balles sur le compte en banque. Mais quand on a mis l’enseigne et qu’on a annoncé qu’on ouvrait la boutique officiellement. On aurait pu payer dix fois la boutique. On fait un premier mois de folie.

Quand avez-vous lancé l’e-shop ?

 Alex : Le 23 janvier. Quand on a lancé le site c’était la deuxième vague. On s’est dit qu’on avait touché notre potentiel. Ça faisait des mois qu’on jouait avec 10 000 balles de trésorerie, on habitait dans la boutique, on n’avait vraiment pas de sous. Quand on a ouvert le site, la première journée on a fait 10 000 €.

Jeff : Ça nous a changé la vie. Alex allait aux toilettes et il me faisait : « On a fait combien pendant que je suis partie pisser. » C’était la folie le premier jour.

Alex : Les premiers moments sont historiques… J’en ai la chair de poule. Sur les trois premiers mois, on a atteint notre objectif à l’année ; au bout de six mois on a atteint notre objectif des trois ans, un an après on était à notre objectif maximal sur le territoire français.

 Quel est l’état d’esprit chez Tealer ?

 Feli : L’amitié gros, d’abord ! Ça concerne une grosse partie de la team et forcément ça transpire sur les autres.

Jeff : Quand je t’ai dit qu’au départ, on était deux, en vrai on n’a jamais été deux. Depuis, le début de Tealer, le projet a été supporté et tout le monde y a cru.

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Alex : Déjà quand ça touche tous tes potes, t’es content, mais là tout notre entourage se sentait concerné.

Feli : Je suis arrivé sur le projet après par des liens d’amitié mais que ce soit moi ou d’autres gens de l’équipe, on se sent tous investi de ce projet. C’est plus qu’une entreprise. Moi j’avais une bête de carrière qui m’attendait mais c’était autre chose. C’est pour ça que tout le monde met la main à la patte et que tout le monde fait tout. C’est une start-up donc on est obligé mais ça nous fait plaisir parce que ça fait avancer la machine.

Quelles sont les étapes qui vous ont fait prendre conscience que vous franchissiez un cap ?

Jeff : Quand on a décidé de mettre l’enseigne et d’officialiser le truc, ça a changé beaucoup de choses. On est devenu une sorte de MJC avec plein de gens, plein de rencontres, plein de rappeurs sont passés pour tourner des clips… C’est un lieu d’échange.

Aujourd’hui, quelle est la prochaine étape pour vous ?

 Alex : On manque cruellement de place, on est de Paris et on a grandi dans la boutique mais avec nos bureaux on arrive à saturation. Mais c’est dur de partir d’ici, même si la boutique resterait.

Avez-vous peur en partant de quitter cette ambiance ?

 Alex : C’est ça qui est difficile et c’est ça le choix à prendre et ça fait chier. T’as peur de perdre quelque chose.

Jeff : Ouais mais ce qui est vraiment mythique pour nous c’est la boutique. La boutique, on la garde quoi qu’il arrive et c’est là où tout a commencé.

Que signifie cette boutique pour vous ?

 Feli : Hier en réssoi, on m’en a parlé. C’était ouf cette boutique qui était en chantier sa mère, tu avais trois mecs qui frappaient le sol dont moi qui était directeur commercial. La « tiquebou » était en bas donc les gens entraient dans un chantier avant d’arriver au comptoir.

Alex : Pendant quatre mois, on n’avait aucun t-shirts sur les portants.

Jeff : Les gens faisaient la queue, ils arrivaient à la caisse et ils disaient ce qu’ils voulaient. Mais des queues de oufs. Ils arrivent et ils savent ce qu’ils veulent, le jour où on a retiré tous les t-shirts de la boutique, c’est le jour où on a fait le plus d’argent.

Alex : Ici, on est chez nous, dans notre quartier, on connaît tout le monde.

Jeff : Même les keufs ! Ils ont fait une descente récemment, ils ont tout visité et on leur a tout montré. À la base, ils venaient pour les « Kush Box » et ils nous ont dit : « On arrête beaucoup de jeunes avec ça ». On leur a expliqué le délire de Tealer et ils nous ont dit : « J’aime pas le contenu mais j’aime bien l’énergie. »

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Alex : Au départ, il y avait un canapé-lit, un bureau, un frigo, une petite machine. C’était vraiment un appart.

Jeff : Tu rentrais, tu étais chez quelqu’un avec un gros squat de 5-6 potes et un mec qui fait des t-shirts au fond.

Alex : C’est aussi ça qui fait de ce lieu-là, un lieu connu.

Jeff : On allait en boîte, on invitait toute la boîte.

Alex : On a arrêté le jour où on a dépassé 200 personnes dans la boutique.

Feli : Je flippais ma mère, il y avait 200 personnes dans le magasin mon frère. On a vu des kalashs, des acteurs qui se planquaient au fond, c’était ouf…

Sentez-vous que vous avez capitalisé pleinement sur cet état d’esprit ainsi que tout votre univers ?

 Jeff : Franchement, on l’a fait sans arrière-pensée, on est arrivé comme ça, on a fait notre truc. On s’est fait kiffer et on a fait kiffer les gens.

Alex : Forcément, on aura marqué une année du t-shirt. La 2013-2014 dans l’histoire du t-shirt en France, elle est pour nous et je la prends.

 Jeff : Dans des années, il y aura des t-shirts Tealer qui vont traîner dans des armoires. On en a fait partir énormément et il y aura des traces de ce qu’on a fait.

Comment expliquez-vous ce succès ?

 Feli : Je pense qu’il y a un truc qu’ils ne veulent pas te dire car ils sont humbles parce que c’est eux qu’ils l’ont crées. Je pense que ce qu’ils ont fait, ça ne s’est jamais vu en France. Le concept de groupe et de fumette en mode social, personne n’avait fait ça. Ils sont les premiers.

Jeff : Quand tu as 17-18 ans, ton dealer c’est ton meilleur pote : t’as envie qu’il te réponde, qu’il arrive vite chez toi… Je voulais avoir ce même relationnel avec les gens, avec une histoire à raconter. On est pote avec notre public. On est « weed friendly », on partage un joint et c’est à la cool. Si tu as un projet et qu’on t’aime bien, on le fait.

Est-ce que c’est une fierté d’avoir fait de votre délire une entreprise qui fonctionne ?

Alex : On va voir si la réalité ne nous rattrape pas trop vite.

Jeff : Dans 5 ans, je te dirai si on est fiers d’être restés des gamins. Si ça marche ouais et si on se plante, on se dira que c’était une belle aventure. Alex, moi et toutes les personnes qui travaillent à Tealer auront tout donné pour réussir.

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