The Posterz : « On n’est pas des mecs bling-bling, on est des jeunes fauchés mais créatifs »
The Posterz ne se plie pas aux codes établis par l’industrie. Ce groupe de trois jeunes montréalais « fait son truc », que ça plaise ou non. Inspirés par la réalité de leur quotidien, Husser, Kris the $pirit et Joey Sherrett proposent un rap aux paroles aiguisées et aux sonorités électroniques usinières qui transportent sur une partie de la raposphère encore peu visitée. Ils rappent en anglais dans une ville majoritairement francophone mais peu importe, c’est leur culture. The Posterz file sur une route sans interruption, avance avec fougue, envie et détermination délesté du poids des bling-blings. Le tout porté par une grande touche de lucidité qui les caractérise. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir leur album (pas de date et de nom dévoilé pour le moment), les trois acolytes nous ont accordés quelques mots pour causer : scène montréalaise, intégrité artistique, spirtualité…
J’ai entendu dire que vous étiez à fond dans la spiritualité, comment vous l’exprimez au quotidien ?
Kris the $pirit : Je suis quelqu’un de spirituel dans le sens où je fais seulement des choses que mon esprit me dicte. Je déteste faire des compromis même si parfois ça m’arrive. La spiritualité est quelque chose d’important, surtout à notre époque. Aujourd’hui les gens se font laver le cerveau facilement. Je préfère faire des choses que j’aime plutôt que de me plier à faire des choses que je n’ai pas envie de faire. C’est aussi ça la liberté.
Joey Sherrett : C’est quelque chose qui ne te quitte jamais la spiritualité, conscient ou pas. Pour notre part, on en est conscient et on est heureux de savoir qu’on en bénéficie. C’est un état d’esprit.
Comment elle s’exprime à travers le rap?
Kris the $pirit : Je laisse tourner le beat en laissant les choses se faire. Je ne porte pas tellement attention à ce que je vais dire, je laisse la poésie s’exprimer. Si ça plaît tant mieux, si ça ne plaît pas tant pis.
« Je suis quelqu’un de spirituel dans le sens où je fais seulement des choses que mon esprit me dicte » Kris the $pirit
Mais sur le plan purement spirituel ?
Kris the $pirit : Le rap est quelque chose de naturellement spirituel. C’est la musique des esclaves rapportée à la société d’aujourd’hui. Les gens pensent que la spiritualité devient un truc de hippies et tout mais on l’a chacun au fond de nous. Le destin nous guide vers des choses, on ne l’explique pas mais c’est comme ça. Il faut que les gens soient plus connectés au monde et entre eux, qu’on arrête de laisser nos égos contrôler nos actes et nos pensées. On trouve toujours l’herbe plus verte chez le voisin, c’est ce que beaucoup se disent alors que ce n’est pas vrai.
Joey Sherrett : On trouve de la spiritualité dans tout, car tout est spiritualité.
À quel niveau par exemple?
Kris the $pirit : À tous les niveaux. La musique connecte les esprits mais on est tous trop con pour s’en rendre compte. On aime ou on déteste aveuglement. Le rap était spirituel dans ses débuts, aujourd’hui ça tourne plus autour de la science de la connerie. Ce genre ne m’intéresse pas perso.
Joey Sherrett : Il y en partout. Il suffit de se donner la peine de la voir.
Joey Badass a choisi l’améthyste comme pierre spirituelle. La vôtre c’est laquelle?
Kris the $pirit : Toutes les pierres sont précieuses et spirituelles à mes yeux. Je pourrais d’ailleurs faire de chaque meuf ma pierre précieuse (rires).
Joey Sherrett : Je n’ai pas de pierre définie, mais ma petite amie m’a offert la pierre de l’amour (rires).
Aujourd’hui j’ai l’impression que beaucoup de gens s’intéressent à différentes tendances comme la nourriture vegan, le sans gluten… On ne voyait pas ça il y a 5 ans. Vous pensez que la spiritualité est une mode aussi ?
Kris the $pirit : Oui, mais si on regarde les choses sur un plan commercial alors tout est une mode. Ce qui n’est pas forcement quelque chose de mal. J’ai découvert la spiritualité dans les rues, quand je n’avais rien, quand j’étais seul. Je me suis toujours demandé pourquoi je n’arrivais pas à me connecter aux autres enfants indigos (forts de capacités spirituelles paranormales). Être seul dans la rue m’a forcé à grandir spirituellement, je n’avais pas le choix. Ça m’a forgé en patience aussi.
Joey Sherrett : Je pense que les gens ne se réveillent que maintenant. Notre génération est consciente de l’effet néfaste de la société nord-américaine. On connaît tous les conséquences qu’il y a à manger de la viande, à bouffer de la « junk-food »… Cette tendance répond seulement à tout ce qui se passe .
Reparlons de musique. Vous connaissez d’autres rappeurs de la scène montréalaise? Les Anticipateurs, Dead Obies… ?
Kris the $pirit : Oui, j’apprécie vraiment Dead Obies. Ils arrivent à créer une énergie commune. Big up Dead Obies ! Ils sont authentiques!
Joey Sherrett : Oui, ils sont tous cools. Je respecte vraiment ce qu’ils font.
Ça vous plairait de collaborer avec eux ?
Kris the $pirit : Je veux d’abord finir mes trucs, les projets avec The Posterz et quelques tracks avec mon gars Nate Huss. Après je ne sais pas, peut-être plus tard quand j’aurai fini tous mes trucs et que j’aurai construit quelque chose de solide
« Je pense que les gens ne se réveillent que maintenant. Notre génération est consciente de l’effet néfaste de la société nord-américaine » Joey Sherrett
Il y a quelque chose de très usinier dans votre identité musicale, d’où ça vous vient ?
Joey Sherrett : On joue avec beaucoup de sons et de textures différentes. On ne fait pas de la musique, on fait des films sans images, des films sonores. Pour atteindre cet objectif, on utilise toutes les sonorités nécessaires. Chaque son nous aide à peindre la toile de fond en quelque sorte.
Il y a aussi un côté très électro dans votre musique. Vous en écoutez beaucoup ?
Kris the $pirit : Pas vraiment pour ma part mais si un son est cool, je sais le reconnaître et l’apprécier.
Joey Sherrett : Bien sûr ! J’aime beaucoup Daft Punk, Justice, Gesaffelstein, Deadmau5…
Pas mal d’artistes français ! D’ailleurs vous êtes de Montréal mais vous rappez en anglais. Pourquoi ?
Kris the $pirit : Je n’étais pas dans la meilleure école on va dire, ils s’en moquaient pas mal que tu apprennes le français ou non. En plus à l’époque je pensais déjà à faire de l’argent pour me payer de belles pompes et régaler ma copine. Je m’en branlais à vrai dire. Je ne connaissais et côtoyais que la communauté anglophone donc bon…
Au Canada vous avez un système d’aide aux artistes qui est vraiment intéressant. Pour faire simple, grâce à ce programme, les artistes bénéficient de bourses pour réaliser leur projet tout en pouvant vivre décemment. Vous en avez déjà bénéficié ?
Kris the $pirit : Je crois que c’est grâce à ça qu’on est venus pour la première fois en France. Je vais m’y intéresser un peu plus.
Joey Sherrett : Au Canada, le système d’allocation est génial ! On fait au mieux pour en tirer profit, on s’en sert surtout en tournée pour payer nos billets d’avion.
Vous revendiquez être “anti bling-bling”. Qu’est-ce que ça signifie ?
Kris the $pirit : Habille-toi comme tu veux tant que ça te va ! L’industrie est fausse dans le sens où un mec va décider de se mettre au rap, va étudier le style d’un autre et le copier. Les gars font de l’argent sur ce que tu fais et vis quelque part. De notre côté on fait notre truc, c’est notre thérapie. On s’en branle de tout ce qui est « fake », je ne veux pas être affilier à ça. Je sais foutre l’ambiance avec mes gars et prendre du bon temps, mais sans m’inventer de vie et être bling-bling.
Joey Sherrett: On fait juste de la musique qui nous parle. On n’est pas des mecs bling-bling. On est des jeunes fauchés mais créatifs qui font la musique qu’ils veulent entendre. C’est ça être vrai pour moi.
Vous semblez avoir des influences assez diverses du coup je me demandais qui vous écoutiez en ce moment. C’est quoi votre top 3 des artistes actuel ?
Kris the $pirit : Mon top trois c’est Cudi, Kanye West, et Lil Wayne. Enfin c’est celui du moment, sinon il y a aussi Biggie, Jay Z, Big L. Tous les vrais quoi (rires).
Joey Sherrett: Je dirais Kendrick, J. Cole et Drake
Husser : Moi, 21 Savage, 21 Savage et The Posterz, évidemment.
« L’industrie est fausse dans le sens où un mec va décider de se mettre au rap, va étudier le style d’un autre et le copier » Kris the $pirit
Après, Starships & Dark Tints et Junga, j’ai entendu dire qu’un nouveau projet arrivait.
Kris the $pirit : Oui, il va être très lourd ! Ça fait un bout de temps qu’on bosse dessus. On a pris le temps de faire les choses comme on les sentait sur des instrumentales de Joey. C’est notre histoire, notre culture, notre truc… À personne d’autre (rires).
Joey Sherrett: Il est unique et bourré de choses que vous n’avez jamais entendues auparavant. Plein de bonnes énergies.
Husser : On a fait notre propre truc sans pomper le style ou copier la vie de qui que ce soit.
Hâte d’écouter ça ! Merci à vous les gars.