Trappes et hédonisme : le Youngpapiline n’est pas venu là pour souffrir

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Trappes (78190), août 2019. C’est là-bas, cet été, que YARD s’est rendu pour rencontrer Le Youngpapiline, un personnage étonnant. Parce qu’il a construit sa propre entreprise de façon quelque peu exemplaire, autour d’un mode de pensée inspirant, nous lui avons laissé la parole. 

Photos : @zakanakin
Modèles : @alassanediong, @marcmaloisel et @youngpapiline

Des limons naît parfois la plus claire des lumières. Celui qu’on appelle Le Youngpapiline ressemble à cette fleur de lotus qui germe et qui s’élève dans les marécages hostiles, mais qui finit par éclore à la surface de l’eau, afin d’attraper quelques rayons lumineux. Originaire de Trappes, ce personnage hors du commun aux multiples surnoms traduit avec finesse une vision progressiste de l’Hédonisme et du plaisir, tout en questionnant la condition humaine à laquelle nous sommes tous confrontés. À travers sa marque de textile HEDONISM, il incarne un état d’esprit et un art de vivre qui lui sont propres. Le vêtement serait, selon lui, le meilleur médium pour exprimer sa pensée et toucher le plus coeurs. Nous sommes partis à la rencontre du Youngpapiline chez lui, à Trappes. Le récit qui suit est celui d’un penseur de son temps et de son environnement : nous l’avons écouté nous parler de plaisir et de passion.

« Le bonheur ne consomme pas beaucoup d’énergie »

« J’habite à Trappes et j’ai vingt-sept ans. Tu sais, ici, Trappes, on la surnomme « le piège ». Ce n’est pas un surnom très valorisant pour cette ville. En anglais, « trap » veut dire piège et ça colle bien avec ce que cette ville nous offre : rien de plus qu’un piège, un énorme fossé entre notre réalité et nos ambitions. Trappes, c’est une zone tellement éloignée de la capitale, qui est inaccessible pour nous géographiquement et socialement, que lorsqu’on l’atteint, elle nous appartient. Cet environnement hostile qu’on retrouve partout en banlieue conditionne notre capacité ou non à aspirer à une vie différente. Nicolas Anelka, Omar Sy ou encore Jamel Debbouze sont tous les trois originaires de Trappes et ont été conditionnés de la sorte, mais tous les trois ont esquivé ce piège. Trappes en a été l’exemple, mais aujourd’hui le neuf-un, qui est une zone similaire à la nôtre de par sa localisation et son exclusion, est en train de tout rafler. Le quatre-vingt-onze a aujourd’hui un impact culturel colossal sur notre jeunesse. À l’instar du trio trappistes, PNL, de Niska ou encore de Koba LaD, chacun est en train, dans son registre, de donner à son territoire une place dans la société. La rue fait vendre et on l’a bien compris. Savoir tourner à son avantage chaque aspect de ton environnement est la première leçon que j’essaye de transmettre autour de moi. »

« Quand je quitte la A13, c’est pour vivre »

« La première fois où j’ai entendu le mot ‘Hédonisme’, c’était au collège, par mon prof d’histoire, avant même de savoir ce que c’était que la philosophie. On sortait de cours et j’avais lâché une réflexion bête sur le moment : ‘Les cours c’est frais, mais les devoirs, ça casse les couilles.’ Le professeur a entendu ce que j’ai dit et m’a répondu : ‘T’es un hédoniste toi en fait !’ Ce mot m’a immédiatement interpellé comme si c’était un signal, une balise que je devais suivre. Mais ce n’est que quelques années plus tard, le temps que je découvre la philosophie, que je me mette étudier et à lire sur le sujet de l’Hédonisme que je m’y suis véritablement intéressé. Le premier ouvrage que j’ai lu sur ce courant, c’était La Lettre à Ménécée d’Épicure, le premier auteur à parler d’Hédonisme. Selon lui, il s’agit d’une doctrine dure, dictant à l’homme d’apprendre à se contenter de ce qu’il a, à être heureux avec du pain et de l’eau. Puis, j’ai découvert et lu Michel Onfray, mon philosophe contemporain préféré. Il définit l’Hédonisme comme un art de vivre, de mieux vivre, qui permet de se débarrasser de ses illusions. »

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HÉDONISME :

Nom masculin. Du grec hêdonê, plaisir.

Doctrine philosophique selon laquelle la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance constituent le but de l’existence humaine.

« Ce qui m’a tout de suite fait accrocher à la philosophie, c’est qu’elle introduit le rapport à la vie, le questionnement sur notre condition et notre existence. Il existe une multitude de courants philosophiques, mais l’Hédonisme est le courant qui m’a le plus touché. Je me dois de me questionner sur mon existence. En observant la société que nous avons bâtie, j’ai constaté que l’humain passe plus de temps à faire croire aux autres qu’il vit, qu’à vivre réellement. Les gens prêtent plus attention à leur image, à montrer aux autres que leur existence est justifiée plutôt qu’à justifier leur existence. Finalement, ces gens-là sont malheureux. Le matériel et l’argent ne sont que de toutes petites figures de notre vie, et je suis sûr qu’il y a une grande majorité de gens qui sont beaucoup plus riches que moi, mais qui vivent moins bien que moi. Je le dis sans prétention, je ne me le permettrais pas. Mais je pense que me poser toutes ces questions sur ma personne m’a permis de découvrir qui j’étais réellement.

L’Hédonisme va au-delà du plaisir même des choses et des acquis, il est en réalité un art de vivre qui permet de bâtir une éthique, également fondée sur l’esthétique. Ce n’est pas une doctrine ou encore quelque chose de générique, c’est une part de notre existence qui sommeille en chacun d’entre nous et qu’il faut aller chercher. L’une des idées reçues au sujet de cette philosophie consiste à penser qu’il s’agit d’un état d’esprit que les personnes fortunées ont développé, ou bien qu’il s’agit d’un culte du matériel et de l’argent. Or pour moi, l’hédoniste peut très bien être ce type qui se pose sur son canapé devant sa télé un samedi soir devant un télé-film poussiéreux. C’est aussi celui ou celle qui ressent la satisfaction d’avoir fini sa course de 10 kilomètres. D’ailleurs, les plus grands hédonistes restent les enfants, ils ont le bonheur facile et leur innocence caractérise leur Hédonisme. »

« Mon patrimoine le plus cher, ce sont mes souvenirs »

« Je porte plusieurs surnoms qui me caractérisent bien, à mon avis. On m’appelle « Le Stefano » car j’admire beaucoup le travail de Stefano Pilati, l’ancien directeur artistique du prêt-à-porter homme chez Yves Saint-Laurent. Je m’identifie pas mal à lui et à son travail, je me voyais un jour à sa place, d’où ce surnom. Mon deuxième blaze, c’est « Le Youngpapiline ». Ce surnom vient de « Papi », ce fameux surnom que les femmes hispaniques donnent à leur chéri. On a commencé à m’appeler comme ça car j’ai commencé à fumer des cigares très tôt ! À l’époque, j’étais au square, dans ma Clio 3 Initiale, tout seul, à fumer des Cohiba. Les gens pensaient que j’étais fou, alors que c’était petit mon plaisir à moi. Aujourd’hui, on m’appelle « El Patriarca Del Hedonismo » car j’ai pris l’Hédonisme à bras le corps, lorsqu’on parle de moi, on associe directement cette philosophie à mon nom. C’est vraiment cet état d’esprit que je promeus dans mon quotidien. »

« Je laisserai l’amour fleurir,
Même en ayant connu sa forme la plus obscure,
Car Hédonisme est Amour »

Haïku par Le Youngpapiline

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