Yseult, l’éveil au R&B

Alors qu’Yseult nous annonce un retour en musique, YARD s’allie à ASOS pour un shooting d’inspiration 2000 avec la chanteuse, qui arrive à mi-chemin entre pop et r&b.

La première fois que YARD croise la route d’Yseult, c’est sur les traces de son enfance parisienne, sur les jalons qui ont marqué sa carrière de chanteuse et de parolière, quelques temps après son passage par la Nouvelle Star et la sortie de son premier album. Trois ans plus tard, quelques semaines avant ses premières affiches dans le métro parisien, la chanteuse est de retour dans les bureaux de YARD avec une détermination contagieuse et un franc-parlé déroutant. Pour organiser ce shooting en collaboration avec ASOS, on a naturellement trouvé l’inspiration dans un r&b aux accents parisiens. Du cuir et des fourrures pour l’extravagance et la luxuriance d’un Diddy et d’un Sisqó, du flannel, du jean et de l’oversize en hommage au début des années 2000, le tout dans le décors de Paris à quelques pas du Moulin Rouge. En attendant le retour d’Yseult en musique on s’est aussi posé avec elle pour comprendre son parcours et où elle souhaite emmener le r&b en France.

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Comment ça se fait que ce soit autant une galère de t’avoir ?

Écoute, en ce moment, je suis retournée en studio. J’ai eu un an et demi de promo sur mon premier album et je voulais faire une pause, me retrouver, pour savoir si je voulais continuer ou pas. Entre-temps j’ai découvert le boulot d’auteur-compositeur et surtout de toplineuse. Au départ c’était parce que j’étais curieuse et puis j’y ai pris goût. Je me suis dit que parfois, ce n’est pas mal de prendre du recul, de s’arrêter un peu, de placer des chansons et de les voir vivre via d’autres artistes.

Sans aucune frustration ?

Non. Aucune.

Ça s’est passé comment tout cette période de remise en question ?

Ça va faire quatre ou cinq mois que je bosse sur moi-même. En tant qu’artiste, humainement, physiquement et psychologiquement. C’est beaucoup, hein ? Mais c’est important. Avant, quand je me regardais dans un miroir, je crois que je ne savais pas vraiment qui j’étais. On cherche tous en soi, mais il y a quand même une limite. Il faut se connaître un peu. Quand j’ai sorti mon album, j’ai fait des choix, mais je pense que je n’étais pas réellement moi, à 100%.

Est-ce que pour toi, le problème était que tu te définissais plutôt par le regard des autres sans t’être forcément demandée toi-même à quoi tu ressemblais, à quoi tu voulais ressembler et qui tu étais ?

Je pense que je n’avais pas réellement confiance en moi. Et que je portais trop d’importance au regard, au dire des gens, par rapport à la façon dont les gens pouvaient me percevoir. Du coup, j’étais très limitée. Et en fait ma seule option c’était de possiblement copier ce qui existait déjà et de sortir un album – que j’aime encore aujourd’hui – mais que je n’arrive pas encore à assumer à 100% parce que ce n’est pas réellement moi. Ça s’est passé tellement vite, que oui, au lieu de faire et d’apporter quelque chose de nouveau dans ma musique et dans mon image, je prenais un peu à droite à gauche.

Parce que c’est rassurant ?

Parce que c’est rassurant et que j’avais 18 ans. Je suis encore jeune, mais à 18 ans on est un baby. Pardonnez mes erreurs, mes péchés… Oui j’ai fait des photos en culottes ! [rires] Il faut pardonner les erreurs des enfants de Dieu, merci beaucoup. C’est important, il faut le dire. [rires] Encore aujourd’hui, pour parler de moi il faut que je regarde ailleurs, parce que c’est gênant. Je n’ai pas encore cette confiance. J’ai plus confiance en moi, mais je n’ai pas encore cette confiance.

C’est toujours un travail en cours ?

Voilà.

Sur mon Instagram, il n’y a pas de hashtag body-positive, il n’y a pas de hashtag « plus-size ». Pourquoi pas rassembler les gens, plutôt que de les exclure ?

Qu’est-ce que tu veux devenir ?

Qu’est-ce que je veux devenir ? Grande question. Moi j’aimerais être un exemple. Tu sais le genre d’artiste ou tu te dis franchement… Je ne cherche pas forcément t à emmener les gens dans ma vision, mais pourquoi pas être un exemple pour tout le monde. Quand je dis pour tout le monde c’est… Par exemple, je me considère comme une mannequin, point-barre. Sur mon Instagram, il n’y a pas de hashtag body-positive, il n’y a pas de hashtag « plus-size ». Il y en avait avant, mais je les ai enlevés parce que je me suis dit que ça ne servait à rien de mettre un nom sur ce qu’on voit déjà. Pourquoi pas rassembler les gens, plutôt que de les exclure ? Parce que t’as forcément des meufs de taille 34 qui me suivent aussi. Même si elles me voient et qu’elles n’ont pas le même body ou le même délire, il y en a qui, de par mon caractère, de par ma personnalité et de par comment je me sappe, se voient en moi. Donc oui j’aimerais bien être un modèle pour les gens.

Comment t’en es venu au mannequinat finalement ?

C’était en août dernier, une femme qui s’appelle Maggie, anglaise, et qui m’envoie un message en me disant qu’elle aimait mon profil et qu’elle voulait faire une campagne de rentrée. Et moi je stressais, j’étais toujours dans ma réflexion, j’avais tout arrêté. Mais je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Et ça a commencé comme ça. Après j’ai signé dans une agence parisienne qui s’appelle The Claw Agency. Ils ont pris le relai en tant qu’agence et je bosse régulièrement pour ASOS et je suis trop contente parce que ça m’a aidé. Ils m’ont chopé dans un moment où j’étais vraiment dans le creux, dans le fin fond du puit. Il faut le dire. Et ils m’ont, concrètement, sauvé de ouf.

Dans quel sens ?

Dans le sens où je crois qu’en fait je ne m’aimais pas, quand je me regardais je ne m’aimais pas, et limite quand je chantais je me disais il y a un truc… Je ne travaillais même plus ma voix. J’étais dans un truc où je me disais, je vais certainement abandonner, je ne vais pas te mytho. Je n’ai vraiment pas peur de le dire. J’étais vraiment dans un mood où j’avais tout zappé. Je m’en souviens très bien.

Franchement, la seule personne qui a compris et qui m’a aidé à sortir de ça, c’est Chilla.

Après c’est vraiment un truc de réseaux sociaux, mais aujourd’hui, l’image que tu peux donner est vraiment éloignée de ça. Comment t’utilises cet outil d’ailleurs.

Au départ, je ne l’utilisais pas bien. Après si tu check bien mon Instagram aujourd’hui, c’est vrai que je suis très solitaire. Je peux poster parfois quand je suis avec des gens, mais la plupart du temps sur mon Insta tu te dis : « Wah la go elle est un peu égocentrique. » Alors qu’en fait non. C’est juste que j’ai posé des limites. La famille c’est clair, c’est mon jardin secret. Si demain j’ai un mec c’est mon jardin secret, je ne posterais rien dessus, je ne reviendrais jamais sur mes mots, je le dis encore. Et après, tout ce qui est potes/amis, ça il n’y a pas de soucis, mais même ça… Je montre plus mes collègues de travail. Je montre plus des artistes ; genre ma soce Chilla, il faut préciser, c’est une putain de rencontre. Cette meuf-là m’a sauvée, de tout ce qui m’est arrivé. En gros elle a réglé mes quatre ans de problème avec sa bouche en fait. C’est la seule jusqu’à aujourd’hui. Mais pour revenir à la limite, il y a aussi eu une période où je n’arrêtais pas de poster des trucs tristes, où on sentait que j’étais mi-frustrée, mi-en colère, mi-aigrie… J’étais une boule de feu. Du coup chaque post que je faisais c’était ça. Et au bout d’un moment, je me suis dit : “Fuck, il faut que j’arrête ça.” Psychologiquement, j’avais vraiment vécu quatre ans d’enfer.

Par rapport à ton taf ?

Par rapport à mon taf, par rapport à ma vie… Je me disais putain, vas-y, genre 18, 19, 20, 21, 22… ça passe, ça passe vite.

T’as fait une quarter-life crisis ?

On peut appeler ça une crise, ou une dépression en fait.

Et comment t’en sors de ça ?

Franchement, la seule personne qui a compris et qui m’a aidé à sortir de ça, c’est Chilla. On s’est connu sur Twitter. Je suis sur Twitter, j’ai vu le clip d' »Indigo »et je me suis dis qu’il fallait absolument que je la contacte. J’envoie un message sur Twitter en mode gênée : « Meuf, je te donne ma force. » Je ne me rappelle même plus ce que j’ai vraiment envoyé.

Meuf t’as 23 ans, t’as toujours vécu comme une vieille, bah ouais, comme une grand-mère c’est la vérité. Maintenant, vie pour avoir de la matière.

Parlons de musique maintenant. Tu fais quoi en studio ?

Déjà, j’ai repris officiellement vendredi dernier, enfin ce vendredi-là. Ça faisait longtemps et je me sens bien, parce que maintenant je sais où je veux aller, je me connais un peu mieux. J’ai des pistes. Mais je sais de quoi j’ai envie de parler, je connais la couleur de ce que je veux.

Est-ce que c’est trop tôt pour en parler ?

Non.

Alors dis-nous.

[rires] Alors, déjà j’ai réfléchi, je me suis dit : “Meuf t’as 23 ans, t’as toujours vécu comme une vieille, bah ouais, comme une grand-mère c’est la vérité. Maintenant, vie pour avoir de la matière.” Parce qu’à la base, je voulais faire un projet de variété et après je suis passée par des envies pop, puis électro… Et en fait, j’essayais toujours de fuir, ce que je voulais faire pour de vrai.

Qui est ?

Le r&b ! Mais en fait, à mon avis je pense que je fuyais ce truc-là, parce que je me disais, c’est trop simple. Dans toutes mes interviews, j’ai dit, je ne veux pas machin. Mais j’ai réfléchi, et je pense qu’à mon avis j’ai rencontré les bonnes personnes, qui déjà m’ont fait re-aimer ce genre de musique-là, et même ces nouvelles artistes, Kehlani, Kali Uchis, Mabel, Mahalia… Toutes ces gos fortes, IAMDDB, Princess Nokia.. Bref la liste est longue. Elles sont trop fortes. Et puis je me dis qu’en fait, ce qu’elles ont réussi à faire c’est à mettre de la pop dedans. Tout ce côté un petit peu acidulé, et leurs voix qui ne sont pas forcément typées r&b. Tout est dans le flow, dans la dégaine. C’est ce que je veux faire. Je ne sais pas pourquoi, pour une fois j’écoutais ce type de musique-là et pour une fois, c’est quelque chose qui me touche. Et je me disais ouais, j’aimerais trop faire ça. Mais en français.

Je me suis dit : « Wow j’ai réussi à mettre quatre ans de dépression dans une chanson. » Un couplet, un refrain, un pré-refrain. Fin de l’histoire.

Comment tu envisages ton projet du coup ?

Je ne veux pas que ce soit un projets indé. Mon but a toujours été de faire de la musique populaire. Et j’ai réfléchi à ça aussi, mais je pense que c’est ce qui va rendre ma musique populaire : qu’il soit r&b, Nu-Soul, limite un peu trap, électro. C’est un projet hybride en fait. Je pense que c’est le mot que je vais sortir d’aujourd’hui jusqu’à toutes mes promos futures. Vous êtes les premiers, mais c’est un projet hybride. Quand je vais au studio, je n’aime pas donner des références. Je veux juste que ce soit hybride. Qu’on mélange le tout, avec sensualité, peau, sexe, tout. On veut ça. Féminité, masculinité, on mélange tout, on veut tout.

Et ça fait un album.

Oui et ça fait moi en fait. Je suis trop contente parce que j’ai enfin trouvé mon créneau. Même au niveau des paroles. À la base, je comptais tout le temps sur les autres pour faire des topline, pour faire des mélodies. Mais j’ai réalisé que leur écriture ne m’allait pas, que leurs mélodies ne m’allaient pas. Que ce n’était pas moi. Même quand je chante avec mon truc et tout, ce n’est pas moi. Jusqu’au jour où je me suis dit que j’allais prendre mes couilles, prendre mes cojones, les mettre sur le dos – mais oui c’est vrai [rires], on prend les cojones on les mets sur le dos comme un sac à dos – et avancer. “Tu sais quoi meuf, t’es une femme forte, on y go, on est là. Vas-y on pose maintenant ce que j’ai à écrire sur la table.

En mars ou mai dernier, je suis allé voir un mec qui s’appelle Deemad. Il fait des prods un peu électro. Un soir, à Puteaux, j’arrive avec mon sac remplis de cojones et je lui ai dis que je n’avais pas de références à lui faire écouter, mais qu’il fallait qu’il me fasse un truc bizarre. Il m’a sorti un son lunaire. Du coup j’entends les trois premières notes, je prends mon téléphone, il commence à faire la prod, je suis derrière lui et j’écris tout de suite. En fait c’était la première fois de toute ma life.

Tu t’es impressionnée toi-même.

Franchement, ouais. Topline, parole. C’était au moment où je commençais à lâcher aussi un peu, toujours dans cette période un peu bad – et je me suis dit que j’avais encore de l’énergie. J’ai encore peut-être un délire à apporter. Et ça m’a rassurée. Et on a fait un deuxième son qu’on a bouclé deux heures plus tard, il devait être 2-3 heures du matin. Il m’avait sorti un petit beat afrobeat. Et dans ce son en gros, j’ai parlé de toute la frustration que j’avais, de toute l’aigreur, dans mon métier, dans le game, des gens du game. Tout. Et je raconte que mes darons m’avaient prévenue, mais que malgré ça il fallait que je trouve le moyen de retrouver ma liberté et de retrouver qui je suis, pour vraiment me sentir libre à 100% ? Quand je suis rentrée chez moi, je l’ai réécouté dans le taxi, j’étais en train de pleurer, genre putain… Je me suis dit : « Wow j’ai réussi à mettre quatre ans de dépression dans une chanson. » Un couplet, un refrain, un pré-refrain. Fin de l’histoire. Et depuis ce jour-là, j’ai arrêté de mettre de la merde sur Instagram et de faire mon boucan. Cette chanson a été un déclic. Franchement je me suis arrêtée et je me suis dit que je réglerais mes comptes quand je sortirais cette chanson et voilà. Tout le reste, c’est de la gaminerie.

J’ai construit un titre sur Instagram. J’étais dans mon salon et j’étais en culotte, je te dis la vérité, comme d’hab, débardeur, je ne sais même plus si j’avais une couette.

Et ça t’as aussi permis de trouver la direction dans laquelle tu voulais aller.

Franchement Deemad, ça a été le déclencheur de ce que je vais sortir aujourd’hui. Ça c’est clair. Et personne d’autre n’a su faire ce qu’il a fait : me sortir deux bombes en une soirée. Merci.

Donc sur cet album, tu veux t’entourer de qui ? De lui déjà j’imagine. Il y a d’autres personnes ?

Bah bizarrement, depuis que j’ai fait ce track avec Deemad, je n’arrive plus à bosser avec d’autres personnes. [rire]

Tu as essayé ?

Oui mais c’est là où du coup, je me suis encore reperdue. Je suis revenu vers lui parce qu’il fallait que je trouve mon repère, ma base. Même lui m’a fait comprendre que ça ne le dérangeait pas que j’aille bosser ailleurs, mais ça ne fonctionnait pas. Du coup, j’ai juste ces deux tracks-là. Et depuis ce soir-là, jusqu’à maintenant, j’ai bossé toute seule. Je n’ai plus rebossé avec Deemad – c’est mon pote, mais je ne voulais plus bosser avec lui. J’ai écrit mes trucs toute seule, et j’ai fait ma musique toute seule avec ma bouche et c’est là où j’ai commencé à faire des trucs sur Instagram.

Comment ça ?

J’ai construit un titre sur Instagram. J’étais dans mon salon et j’étais en culotte, je te dis la vérité, comme d’hab, débardeur, je ne sais même plus si j’avais une couette. Je me pose devant mon écran, je pose mon iPhone et je dis, ok les gars – je ne savais vraiment pas ce que j’allais faire, je n’avais rien écris – j’arrive et je dis, «Bonjour les gens».

C’était un live ?

Oui. J’ai expliqué que j’allais faire une espèce de tuto. « Donc là vous voyez, vous faite un beat de 110 ou 120 BPM et là on va partir sur un truc un peu reggaeton, un peu soleil… » Et je voyais en même temps les commentaires des gens. Et là je commence à faire « boom boom boom… » [elle fredonne]. Ils commencent à mettre des flammes, à inviter des gens dans le live. Ça a monté. Là j’ai commencé à faire la mélodie. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de live et j’avais v’là les gens.

C’était la reprise.

Oui ! Du coup, je suis toujours en live, je commence à écrire les paroles. J’écris le couplet, je commence à le chanter. Ils ont trouvé ça lourd. J’ai commencé à fatiguer, il fallait que j’écrive le refrain et là je commence à abandonner. Et les gens commencent à envoyer des messages. « Il faut que tu continues, donne-nous la suite. »

Franchement pour la première fois depuis quatre ans, depuis que j’ai signé chez Universal, quand j’ai écouté cette chanson-là, je me suis dit : «C’est un hit.»

Ils te donnaient des pistes, des idées ?

Ils me donnaient des pistes, tel mot, tel humeur. Donc du coup je commence à checker, je regarde. Je trouve le refrain, je les laisse pour enregistrer ma voix et je reviens en live. Du coup j’enregistre. Franchement pour la première fois depuis quatre ans, depuis que j’ai signé chez Universal, quand j’ai écouté cette chanson-là, je me suis dit : « C’est un hit. » Là je commence à le mettre sur les réseaux, Facebook, Twitter etc. Même Damso a validé le son sur Instagram. Wesh. Toutes les fois où je me suis dit que j’allais arrêter, tous les trucs de « I’m deep » et je suis une artiste un peu meurtrie, c’était fini. Depuis ce titre, que je surkiffe, j’ai fait d’autres lives et à chaque fois ça s’est bien passé. J’ai réalisé que je pouvais faire des sons toutes seules, écrire toute seule, composer toute seule, faire mes petits beats sur mon iPhone… Ça fait quand même bouger les gens. Je peux faire ça toute seule. J’étais tellement contente. Même Deemad a validé.

Dans les influences que tu as citées, il y a beaucoup d’artistes anglaises, beaucoup d’artistes de Londres. Est-ce que c’est une option pour toi de travailler avec des artistes londoniens ou est-ce que tu veux que ton projet soit français ?

J’ai bossé avec un producteur qui s’appelle Jay Weathers. Et c’est la première fois que je travaillais avec lui. En gros c’est mon éditeur qui m’a pluggé avec lui. Il m’a seulement donné son nom, je me suis documentée et j’ai vu que c’était le mec qui a fait « My lover » de Not3s avec Mabel. Je suis arrivée – on ne se connaissait pas et je crois qu’il était en train de filmer – mais j’arrive dans le truc, j’ai crié « Good Morning! » et j’ai commencé à twerker au sol. Je commence à montrer ma folie. Parce que quand je ne connais pas les gens, il faut les mettre au parfum. Comme toi. Toi aussi t’as eu ton baptême. Tout le monde. Ça l’a fait rire, donc je me suis dit que le gars était chill. Il m’a demandé ce que je voulais et je lui ai dit quelque chose de bizarre quelque chose d’hybride.

Ça a donné quoi ?

Il a capté. Et là il me sort un petit son du futur, il m’a dit qu’on partirait sur un truc nouveau. Tu veux écouter le son ? [pause] À partir de ce moment-là, je repensais à Deemad et je me disais, c’est ouf, et c’est pour ça que je le remercie encore aujourd’hui, parce qu’il a donné le ton de tout mon projet.

Mais bon. Il sort quand l’album ?

Là ce n’est pas forcément le début. Parce qu’on a validé avec Oumar, mon manager, j’ai pour l’instant cinq titres que je garde, sûr. Là je vais bosser sur les cinq titres que j’ai fait en quatre ans, on va dire ça comme ça. Et donc du coup-là on va bosser la réalisation, le mix, le mastering, rechecker peut-être des paroles, si ça se trouve les voix de démos vont être les voix dèf’. Parce qu’il y avait le goût de l’instant, le flavor comme dit Jay. Donc du coup on va garder ça.

Et là je me donne disons, un mois, deux mois, trois mois maximum pour les bosser à fond. Et après sortir chaque titre clippé.

Dans les clips, je veux de l’éclectique, des corps éclectiques, des visages, de la couleur de peau. Surtout les mots d’ordre vont être sensualité,  peau, ressenti.

C’est quoi ta vision d’un clip ?

Franchement ? Je veux de la sensualité, je ne veux pas que ce soit beau pour être beau, comme je l’avais fait pour mon premier album. Même l’image de mon premier album, c’était trop propre, trop clean. Ça faisait trop, j’aime la mode, donc on va faire un truc un peu froid machin. Là je veux que ce soit brut et que chaque image, véhicule un imaginaire. Que même dans la pochette, il y ait un truc. Des références. Dans les clips, je veux de l’éclectique, des corps éclectiques, des visages, de la couleur de peau. Surtout les mots d’ordre vont être sensualité,  peau, ressenti. Je ne sais pas, j’ai envie de trouver une équipe de gars qui soient dans mon délire et grimper avec ces types-là, genre jusqu’à la fin de la fin de la fin.

Il y en a beaucoup des équipes comme ça je pense.

Oui dans l’urbain. Et c’est de ça que j’ai envie dans l’urbain. C’est que les gens sont très team, alors que dans la pop, les gens sont très, « on va butiner là-bas, et on va travailler avec un autre réal« , et t’as plus d’unité. Et là j’aimerais bien trouver une équipe qui croit en moi et qui se disent on a vraiment envie d’investir du temps dans cette go là et qui vont me suivre. Moi je veux qu’on me sublime. Je veux qu’on sublime ma taille 48. Non mais c’est vrai c’est important. Parce que sur le premier album, j’étais… je ne sais pas. Là je veux vraiment que le réal ou le vidéaste, que même le photographe ou même jusqu’au graphiste, ce soit…

Ça va être un vrai taf.

Ouais. Moi je veux de la sensualité, je veux de la peau. En fait ça va être ça mon projet : sensualité, peau, féminité. C’est vrai que quand tu regardes les SZA, etc., c’est ça en fait. Elles sont très…

Carefree.

Bah ouais. En tout cas, ça va être hyper inspiré de l’urbain, ça c’est clair et net.

Mais il faut juste qu’ils comprennent que mon succès ce n’est pas mon talent, ce n’est pas moi, ce n’est pas mon label, ce n’est pas mon manager, c’est eux en fait qui font ce taf de fourmi […]

C’est quoi tes attentes avec cet album ?

Je ne sais pas. Déjà que ça m’apaise et que ça me rende heureuse. Que moi je valide le truc. Mais en fait cette situation-là, dans la conception d’un album, moi je ne l’ai pas connu. J’ai fait la Nouvelle Star et ça a été rapidement, j’ai fait un album en deux semaines en gros. Et je n’ai pas eu cette phase de réflexion, de recherche. Et là, j’ai passé tous ces stades-là. J’ai tout vu. Et je suis fière de sortir ces sons-là. Je me sens à l’aise avec ce que je raconte, parce que ce sont mes paroles, ma musique. Je pense que mon univers va toucher beaucoup les femmes. Parce que  les commentaires que je reçois sur Insta, c’est surtout des meufs qui disent : « Ouais je me retrouve dans tes textes. Enfin il y a une meuf qui parle de sensualité. » Et là je vois que ça change et qu’il y a une demande. Merci à l’Angleterre et merci aux Etats-Unis. Du coup la France comprend un peu mon délire et mon physique quoi. Même dans ma musique. Je suis contente quand les gens écoutent mes petits extraits sur Instagram, ils se disent : « Ah ouais, on l’a capté, nous on est dedans. Fort. »

J’aimerais bien qu’on me laisse briller un peu. Je veux juste partager tout mon art, toutes mes mélodies, toute ma voix, faire des concerts, partager ce que je veux. Juste sortir mes sons et perdurer. Il y a un gars tout à l’heure sur mon Instagram, il m’a posé la question : « Quand est-ce que tu perces ? » Ça part d’une bonne intention, ce n’est pas méchant ce qu’il dit là. J’ai répondu : « Les bébés, arrêtez de me poser la question. Vous savez très bien que mon succès ne dépendra pas de moi, ni de mon talent, mais de vous. Je vais compter sur vous lorsque je vais officiellement sortir mon projet. Il ne va pas falloir parler japonais quand il va falloir sortir 1,29€ sur iTunes pour me pousser en haut des charts français. Same pour les concerts. Comment à économiser les amis. »

C’est frustrant. Mais j’ai l’impression que les gens ont tout le temps l’impression que le succès, quand tu sors un son, ça vient comme ça, direct. Même à ceux qui me disent : « On ne comprend pas, pourtant t’as un label etc.« ,  je dis en fait, mais c’est pas simple les gars. Je ne suis pas décisionnaire de mon futur. Surtout dans mon métier. Ça dépend surtout d’eux. Je fais des sons. Je vous les balance, je vous les donne. C’est à vous – même si j’ai un attaché de presse, même si j’ai une équipe – maintenant, votre taf c’est de le partager. Parce que souvent tu as des gens qui regardent et qui ne partagent pas. Mais c’est ça qui est important en fait. De partager. Il faut qu’ils comprennent l’importance de leur rôle. Ils sont mille fois plus importants que les attachés de presse. Largement. Parce qu’ils sont sur le terrain, ça va marcher et si ça marche, ils auront des concerts et on se verra. Pensez à ça les gars. Et quand on va se voir et que je vais annoncer une date, il ne faudra pas parler japonais non plus. Il faudra acheter la place. C’est important, c’est vrai. C’est bien beau de dire que je vie de l’art et d’eau fraîche mais en soi, la vérité c’est qu’en fait je suis une artiste, c’est mon seul revenu, c’est mon taf et concrètement il faut que j’en vive et pour bien en vivre il faut pouvoir exister. Il faut pouvoir rester avec cette communauté-là. Mais il faut juste qu’ils comprennent que mon succès ce n’est pas mon talent, ce n’est pas moi, ce n’est pas mon label, ce n’est pas mon manager, c’est eux en fait qui font ce taf de fourmi, qui font cet effet boule de neige et qui après vont intéresser les médias et les médias après vont relayer et vont m’encenser.

Et je lui ai expliqué plus tard que ce serait pour faire un concert, là dans une semaine. Concert que j’organisais toute seule.

Et la scène dans tout ça ?

Ouais, tu sais que c’est mon dream.

Mais ça fait longtemps ?

Ouais. Je n’ai fait que des grosses premières parties, genre Les Fréros de la Vega, j’ai fait des gros plateau, genre Virgin, RFM. Mais concert… En fait si je me rappelle j’avais fait un concert à la Bellevilloise, parce que j’étais frustrée. Parce que mon ancien tourneur ne croyais pas en moi du tout.

Il ne voulait pas te donner une salle ?

Ouais. Et du coup il me dit non, tu sais ça coûte cher. Et comme je suis butée, que j’avais 19 ans, j’ai insisté. Il a dit non. C’était un jeudi soir. J’ai appelé un pote photographe, pour qu’on fasse un shooting le lendemain. Je ne lui ai pas précisé pour quoi. Et je lui ai expliqué plus tard ce serait pour faire un concert, là dans une semaine. Concert que j’organisais toute seule. Il prend les photos, le soir-même il me les envoie. Je fais ok, rendez-vous la semaine prochaine à la Bellevilloise. Tout le monde s’en foutais en plus c’était la fin de la promo. Le truc ne servait à rien. Du coup j’ai appelé la Bellevilloise…

C’est là où j’ai réalisé que même si ma communauté était petite, elle était fidèle ! Ils sont déter.

[rires] T’as appelé la Bellevilloise après avoir annoncé la date ?

Bah franchement j’ai annoncé, je ne sais plus trop ce que j’ai dit et de quelle date il s’agissait exactement.

Mais c’est fou de faire ça.

C’est fou mais vas-y, il faut avoir des cojones là ! Bah franchement j’ai fait mon truc, j’ai mis ça sur Facebook. Je poste et je vois 100, 200, 300, 400 personnes, 600 personnes, 800 personnes. J’ai fait : «What ?» C’était la plus grande salle, la salle du bas… Je l’ai remplie hein. Genre en deux-deux. Il y avait même des gens dehors.

Parce qu’en plus il n’y avait pas de billetterie, c’était du sur-place ?

Meuf, c’était gratos. J’ai trouvé un deal. J’avais peur : 500 places debout, ils étaient tous debout. J’étais trop contente.

Ton tourneur a dit quoi ?

Bah franchement, je l’ai quitté le lendemain de l’appel, quand il m’a dit non. [rires] Polydor n’était pas au courant non plus, ils l’ont appris le jour où j’ai posté l’annonce. Je me suis faite fumer. Fumer. Ma mère m’a regardé et m’a dit : «Tu sais quoi on te laisse dans tes délires, parce que… c’est trop.» Et ma manageuse de l’époque, je crois que je la quittais elle aussi, parce qu’elle m’a dit : «Toi t’es une galère.» Et de toute façon, là c’était le pompon.

Parce que tu n’étais pas gérable ?

Parce que je n’étais pas gérable. Et franchement j’ai eu chaud, parce que quand j’ai appelé la Bellevilloise, ils m’ont dit : «On ne vous fais pas payer la salle, mais par contre il faudra remplir, pour les consommations.»

Ça t’a mis la pression ?

J’étais en fin de promo donc ça ne servait à rien. J’arrive le soir-même et tout. Je sors de la salle, Dinos était là. Il vient me voir dans les loges, il me fait : «Il y a du monde fort ! Il y a la queue !» Et franchement je ne le croyais pas. il m’ouvre la porte, je passe la tête et là je vois le monde qui commence à m’appeler. Même là, j’ai les larmes aux yeux. C’était chanmé, je me suis dit : «Wesh mais j’ai fait ça toute seule.» C’est là où j’ai réalisé que même si ma communauté était petite, elle était fidèle ! Ils sont déter. Pour la première fois je voyais qui me suivait. J’ai vu que c’était des gens de mon âge en fait, qui avaient la vingtaine. Il y avait même des cadres, franchement j’étais trop contente. Parce que c’est important. Je n’arrêtais pas de pleurer. Et en plus ils chantaient mes paroles par cœur. Là c’était trop. J’ai encore l’image, c’était rempli, il y avait des gens par terre. Franchement, j’avais les larmes aux yeux. Quand Dinos m’a dit que c’était rempli… J’avoue que ça m’a fait plaisir de l’avoir à mes côtés. À cette période-là, Dinos aussi, avant que je connaisse Chilla, m’a toujours considéré comme sa petite sœur, il a toujours été là pour moi, il m’a toujours écouté, il m’a soutenu. Le gars m’a relevé.

Parfois tu fais des émissions et on te zappe fort. Donc merci. Merci à tous ces gens qui m’ont suivi de 2014 à 2018.

Vous vous êtes rencontré comment ?

Bonne question. J’ai l’impression que je le connais depuis la maternelle alors que… Peut-être en studio. Je ne sais plus.

Mais ça remonte à loin ?

Ça remonte à très loin, ça fait deux, trois ans qu’on se connait.

Deux, trois ans c’est rien.

Deux, trois ans c’est rien ouais, mais dans la musique, en amitié ! Ça fait longtemps j’ai l’impression. C’est quelqu’un de bien. Parce qu’en fait il a une chanson qui s’appelle «Quelqu’un de bien» [rires] Non, il est cool. Franchement, Chilla, Dinos, ce sont les deux artistes, qui sont vraiment des amis. Ce sont les seuls amis que j’ai dans le game. Et il sort son album le 27 avril. Donc allez checker ça, parce que j’ai pu écouter quelques petits morceaux en exclu et je peux vous dire que c’est chaud, c’est très chaud. Et il va se faire « Flashé » sur les réseaux.

Et à ceux qui attendent ton album, qu’est-ce que tu leur dis ?

Franchement, et bien, merci sincèrement à tous les gens qui m’ont suivi depuis mes 18 ans. C’est ouf de dire ça, on dirait que j’en ai 46. Mais c’est important, c’est gens sont toujours là ! Parfois tu fais des émissions et on te zappe fort. Donc merci. Merci à tous ces gens qui m’ont suivi de 2014 à 2018. Parce que je vois dans les commentaires, c’est toujours les mêmes personnes. Merci à ceux qui me suivent en chemin et qui prennent le relai et qui me poussent de ouf. Merci Dinos, merci Chilla, merci à mon nouveau manager avec qui j’espère faire des dingueries, parce que cet homme me soutient comme personne ne m’a jamais soutenu dans ma vie. Je peux dire que je sais ce que c’est un manager, sincèrement. Et un dernier mot, franchement croyez en vous, parce que maintenant je dois vous dire merci, parce que je crois en moi, je sais que j’ai encore du jus, que je ne suis pas terminé et que je n’ai que 20 ans. Donc croyez en vous, croyez en vos rêves, il faut toujours charbonner. On aura toujours des moments de bad, on aura toujours des moment sales dans notre vie. Mais c’est pour mieux mériter sa place. Et je vais m’arrêter là, parce que j’ai hâte de sortir mon projet. Et de faire danser les gens comme jamais. Ah oui un dernier truc, je fais un appel à tous les réalisateurs de Paname, à tous les vidéastes, à tous les graphistes, si vous voulez rejoindre ma team, donner un petit coup de pouce pour mes projets à venir, avec grand plaisir.

 

Photographe : David Maurel
Assistant photographe : Philippe Millat
Styliste : Benoit Guinot
Vidéo : Louis-Philippe Azaud (Le Comité)
Shopping : ASOS

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