Emir Shiro : « Attirer une cible qui n’est pas forcément dans la culture street »
Il y a quelques mois, nous vous présentions Trajectoire, un projet derrière lequel se cache Jérémie Nassir, passionné de basketball et d’art. Si le projet a récolté de très bons retours et suscité un engouement certain chez les férus de ces deux disciplines, le point de convergence entre ces deux univers se matérialisera au coeur de Paris, à travers une exposition réunissant 30 artistes et créatifs d’univers différents dans un espace de 5000m2, sur 6 étages; de 10h à 20h le 8-9-10 février prochain.
Photos : @antoine_sarl
Histoire de vous donner un avant-goût, nous avons décidé de vous présenter – jusqu’au jour J – cinq des artistes qui présenteront leurs oeuvres lors de l’exposition. L’occasion pour nous d’en savoir un peu plus sur eux, leurs inspirations et leurs visions. Aujourd’hui, nous mettons à l’honneur Emir Shiro.
Peux-tu te présenter, toi et ton travail ?
Je suis Emir Shiro. Je me considère principalement comme un artiste mais je suis aussi graphiste. Les gens me connaissent surtout pour mes collages, mais aussi par mon travail autour de la censure. C’est un travail que j’ai développé il y a un an déjà, et que je continue de développer aujourd’hui. À la base je suis illustrateur, et quand j’étais en école d’art, je dessinais principalement du corps nu. Quand j’ai voulu publier mes dessins sur les réseaux sociaux, je me suis fais censurer par les chartes et les règlements. Surtout sur Instagram, qui avait fait sauter mon premier compte. Donc j’en suis venu au collage, puisque c’était une technique qui me permettait toujours de parler du corps « en jouant avec le cachet dévoilé ». C’est clairement de la suggestion. Et depuis, j’existe essentiellement sur les réseaux grâce à ça, et étrangement je me suis fait un « nom » par le même biais. On peut dire que c’est un accident qui est devenu quelque chose de grand.
Quel est ton rapport à la censure ?
Je travaille sur le corps dans le but d’enlever tous les tabous qui l’entourent. En fin de compte, on est tous nés à poil. Je réalise que plus on avance dans le temps plus les médias censurent la nudité. Je peux prendre l’exemple de Tumblr qui l’a fait récemment. Instagram le fait depuis longtemps. Facebook est rattaché à Instagram… Internet a une discipline assez stricte sur le sujet, alors qu’il y a d’autres choses qui mériteraient une même autorité. J’ai fait une interview pour Playboy avec un journaliste américain il y a quelques temps et il m’a posé là question suivante : « Y’a t’-il de vraies différences entre les façons de penser américaine et française/européennes ? » Je lui ai répondu qu’il y a des prises de positions que je trouve étrange et qu’ici en France on n’a pas forcément.
Aux Etats-Unis, l’apologie de l’armement est banalisée. Pourtant, cela me parait nettement moins dramatique de montrer une paire de fesses ou une paire de seins , mais c’est censuré. En France, la nudité est dans notre culture et j’ai l’impression qu’aujourd’hui on fait marche arrière au lieu d’avancer. J’estime que je suis là pour m’amuser de cela, je me moque de ce contraste avec mon art.
« Le basket, c’est rattaché à cette culture street, du street-art, du streetwear… »
Quel est ton processus de création ?
En réalité, parfois j’ai déjà le titre ou l’idée dès le début. Alors je vais essayer de l’illustrer avec les photos que je prends ou avec celles d’amis photographes qui travaillent avec moi. Dès lors, soit on essaye de développer l’idée ou le thème, soit je recycle des images que je trouve dans les magazines, sur des affiches, sur Internet, etc. C’est un autre processus de création.
Comment es-tu arrivé sur l’exposition Trajectoire ?
Jérémie Nassir me suivait sur Instagram. Il m’a simplement écrit pour me faire la proposition, histoire de savoir si j’étais intéressé. Personnellement, j’aime bien le contact avec le public. Le retour réel, que tu n’as pas sur Internet, est super intéressant. C’est un autre feeling que tu partages avec le public finalement. Donc j’ai naturellement accepté, surtout qu’il y a aussi de très bons artistes. Quant au lieu, il est super.
Quel est ton rapport avec le basket ?
En fait, pour être honnête, Jérémie ne savait pas du tout que j’avais un lien avec le basket. Son idée de base, c’était de faire venir des gens qui n’étaient pas obligatoirement dans la culture street, mais j’ai fait du basket quand j’étais plus jeune. Puis, je suis tout le temps dans cette culture, je fais du sport avec mes potes, et le basket c’est rattaché à cette culture street, du street-art, du streetwear… J’ai un lien avec ce sport. Après, je ne peux malheureusement pas regarder tous les matchs qui passent, puisque ce sont les heures auxquelles je travaille. Je travaille principalement la nuit, donc je me couche très tard. Mais j’essaye de suivre au maximum. J’aime bien les Lakers, et quand j’étais petit j’adorais Iverson, quand il jouait chez les Sixers. C’était incroyable, c’est une légende pour beaucoup.
Il a fallu concevoir une oeuvre pour cette exposition. Quelle a été ta démarche ?
Pour l’exposition, j’ai voulu sortir de ma zone de confort, alors « plastiquement » j’ai beaucoup testé. Ça ne va pas forcément être de l’image plate, on va travailler sur l’espace, sur de l’installation, sur des matières un peu particulières. J’aime bien me mettre en danger, et Jérémie a justement mis à disposition des moyens qui sont très intéressants pour un artiste ayant cette volonté-là. Du coup, je me suis dit que c’était l’occasion rêvée pour tester. On n’a pas encore terminé, on est entré en phase de production pour tout le mois de janvier [l’interview a eu lieu au début du mois de janvier, ndlr]. Ensuite on entame la phase d’installation et puis ce sera bon. Je suis pressé de rencontrer du monde. Il y a des artistes présents qui exposent et que je n’ai jamais eu la chance de rencontrer. J’aime beaucoup le travail typographique de Tyrsa par exemple. Pareil pour Ana Castillo et ses dessins… Mais il y en a plein d’autres. LX.ONE aussi, qui est très fort. C’est l’occasion pour moi d’avoir un lien avec ces artistes, de partager et de vivre l’expérience ensemble. J’ai vraiment hâte d’y être.
Peux-tu nous en dire plus sur tes projets à venir ?
En 2019, je vais travailler avec plusieurs marques. J’aimerais beaucoup faire de la direction artistique. Je travaille également avec des artistes issus du milieu de la musique donc je suis souvent en collaboration avec Universal et, plus généralement avec des labels, plus ou moins importants. Pochettes d’albums, affiches… J’ai beaucoup d’amis qui sont dans la musique, c’est pour ça je suis rattaché à l’univers musical. Je fais souvent du graphisme. Mon souhait dans l’année, ce serait de pouvoir exposer au maximum ; multiplier les expositions parce que je trouve ça super. J’en ai déjà fait quelques-unes, quatre ou cinq, mais j’ai une toute jeune carrière en réalité. Ça doit faire un an que je vis réellement de l’art. Je me suis structuré, j’ai monté ma société, ce qui me permet donc de pouvoir vivre par mes travaux.