« Pourquoi on écoute Booba », un web-docu original à tous niveaux

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Analyses, critiques, études, essais… Les moyens avec lesquels la presse tend à décrypter le « style » de Booba sont multiples et forcent l’auditeur à se questionner sur les raisons centrales de son écoute. À ce sujet, un nouveau média a fait son apparition en 2017 : Pourquoi on écoute Booba. Exclusivement sur les réseaux sociaux, le documentaire évolutif s’est adapté à son époque.

Photo : @antoine_sarl

En 2003, alors même que Sniper est aux armes avec Nicolas Sarkozy au sujet de leurs rimes, l’écrivain et essayiste Thomas Ravier est à l’origine d’un texte marquant : Booba ou le démon des images. Une vingtaine de pages en plein milieu de la prestigieuse Nouvelle Revue Française, au travers desquelles l’auteur mêle les schémas de rimes d’Elie Yaffa à ceux de certains poètes, metteurs en scène ou hommes de lettres. Delà est d’ailleurs né le néologisme « métagore. » En prise directe avec son temps, Thomas Ravier s’attelle à la composition d’un mini-livre d’étude analytique du « style-Booba. » Le travail est double : il s’agit déjà de montrer qu’il y a un « style » chez le rappeur, puis de s’en servir pour dresser le temps d’une lecture une preuve ostensible de l’existence de l’artistique dans le rap.

Pour ce faire, l’écrivain construit son argumentaire en empruntant tant à la littérature qu’au théâtre, et si tout ceci paraît risible aujourd’hui, c’est que depuis 2003 les analyses sur Booba pullulent partout dans la presse, reprenant le même schéma d’analyse et arrivant à la même conclusion : « Voilà Booba […] des mots qui se rencontrent pour la première fois mais se retrouvent comme s’ils se connaissaient depuis toujours, des images, non celles de vos Polaroïds, fortes, dansantes, vénéneuses, insolites, presque mystérieuses. »

Si les vecteurs d’analyses sur Booba sont larges, les moyens de diffusion se recoupent autour des modèles traditionnels : la presse écrite, audiovisuelle voire la littérature. Le concept d’Olivier Pillot, Laura Millienne et Fabrice Schéma porte cette réflexion là où son expression se fait la plus vivace : à même les réseaux sociaux. Lancé à l’été 2017, exclusivement disponible sur Instagram et Twitter, le web-documentaire Pourquoi on écoute Booba invite un panel d’intervenants à s’interroger sur les raisons qui les amènent respectivement à écouter le rappeur français. Du romancier Clément Bénech qui voit chez Booba quelque chose « d’ordre cathartique » où la musique offre « un sentiment de purification« , à Olivier Cachin qui renomme certains effets de styles du rappeur en « haïkus« , chacun offre un point de vue personnel sur la musique d’un artiste qui rassemble, aujourd’hui, des millions d’auditeurs. Découpée en épisodes de quelques minutes et aspirant à se développer sous plusieurs saisons, la web-série s’offre même le luxe de faire revenir Thomas Ravier pour une énième explication : « Considérons Panthéon et Temps Mort comme une sorte de diptyque, qui suffirait selon moi, à introniser Booba comme le Prince de la métagore. Il y a quelque chose qui est très spécifique, c’est une sorte de mystère, une sorte d’opacité, quelque chose d’énigmatique dans ses formules qui demandent à l’auditeur un surplus d’attention. »

Si l’on souhaitait savoir les raisons qui ont poussé les fondateurs à rendre le contenu du documentaire exclusif aux réseaux-sociaux, Olivier Pillot répond au micro des Inrocks : « Au début, on avait fait ça de manière « traditionnelle », avec un dossier sur le projet pour faire un 52 minutes diffusable sur une chaîne. (…) On avait le matériel pour réaliser et on était déterminé, donc on a décidé de balancer régulièrement un épisode sur le web. J’aime le côté plus underground des réseaux sociaux par rapport à YouTube. Et la contrainte des 2’20 » de Twitter nous oblige à être concis. On savait aussi qu’on y trouverait un public. » Une demi-douzaine de vidéos plus tard et le tour est joué : les intervenants interrogés par le trio de créateurs donnent des clés de compréhension supplémentaires à celles et ceux qui auraient encore du mal à saisir l’engouement que crée Booba a chaque apparition musicale et plus généralement médiatique. Le mystère Elie Yaffa serait-il sur le point d’être percé à jour ?

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