À Paris, le Quai 54 a fait plus que de prendre son terrain

Référence internationale du basket, le Quai 54 perdure et ne cesse de grandir depuis sa première édition en 2003. Inspiré des célèbres tournois américains comme le EBC de New York sur le Rucker Park, et impulsé par Hammadoun Sidibé, le tournoi parisien est aujourd’hui devenu un rendez-vous culturel immanquable, symbolisé par une collaboration avec la marque Jordan qui lui permet de briller à la hauteur de ce qu’il représente. On refait l’histoire.

Les playgrounds parisiens, terrains qui sont chaque été le théâtre d’affrontements à haute intensité entre tous types de basketteurs. On y retrouve des pros qui viennent garder la forme, de jeunes espoirs, ou encore des amateurs ambitieux qui n’ont pas peur de se frotter à plus fort qu’eux. Car c’est ça, l’esprit basket : une audace et un esprit de compétition qui fait qu’aucun n’adversaire n’est craint. Un rituel estival qui existe et perdure depuis des décennies mais qui, à Paris, prend une autre envergure au début des années 2000. Son envol est étroitement lié à un homme, Hammadoun Sidibé, qui va faire passer le basket de rue français dans une autre dimension.

Natif de Choisy-le-Roi, Hammadoun tombe amoureux de ce sport en visite chez son oncle et sa tante à New York, alors qu’il a 16 ans. En 2003, sous la canicule parisienne, il décide, avec des proches qui deviendront les piliers du Quai 54, de mettre sur pied le tournoi qui donnera une vraie réponse à la question que tous les joueurs se posent : qui sont meilleurs ballers de la capitale ?

Hammadoun Sidibé (gauche) avec le joueur NBA Bismack Biyombo (droite)

« Depuis mes 16 ans, je baigne dans le basket. Il y a un lieu culte à Paris où se réunissent tous les fans de basket qui s’appelle la Halle Carpentier – on avait un terrain pour nous chaque été car je connaissais les gens qui s’occupaient des terrains. J’avais une grosse communauté basket autour de moi et l’idée du Quai est née en 2003. Je voyais le niveau augmenter fortement alors je me suis dit qu’il fallait faire un tournoi. C’était le moment, car le marketing lié au basket était en baisse avec la fin de l’ère Jordan« , raconte le fondateur historique de ce qu’on appelle aussi le « World Streetball Championship ».

L’été 2003 rime effectivement avec la retraite définitive de Michael Jordan en NBA. Entre 1984 et 2003, Jordan est devenu une icône dans le monde du basket et a fait de la NBA ce qu’elle est aujourd’hui, à savoir un sport connu à l’international regardé par des centaines de millions de personnes. Au début des années 2000, la fin de l’ère MJ approche et malgré l’éclosion du jeune Kobe Bryant outre-Atlantique, l’intérêt pour le basketball est en baisse. Les marques cessent de sponsoriser les évènements liés au basketball et en France, l’avènement du jeune Tony Parker, fraichement champion NBA, n’a pas encore assez d’impact. C’est cette flamme, en cours d’extinction, qu’Hammadoun Sidibé a souhaité rallumer, grâce notamment à ses amis d’enfance, ses connexions et sa vision.

Pigalle Basketball

Basket Paris 14

« Je suis dans la musique et le basket. C’était assez facile de réunir les deux. J’ai grandi avec une équipe, la Mafia K’ 1 Fry. En 2003 quand je dis à tout le monde que je vais organiser un vrai tournoi, les gens de l’équipe sont venus. Nike aussi était au courant car je leur recrutais quelques joueurs pour des évènements. Je les ai donc prévenus de mon idée : le directeur marketing est venu voir ce qu’on faisait et je lui ai dit que j’avais besoin de maillots. Il était super cool et nous en a donnés. La première était réussie : il n’y avait pas de réseaux sociaux à l’époque et pourtant on a réussi à réunir près de 1500 personnes ! On ne s’y attendait pas du tout. »

Terminus de la ligne 3, du métro parisien, station Pont de Levallois. À peu près un kilomètre après la sortie Anatole France, sans jamais traverser le pont pour rester sur le bon côté des bords de Seine, on trouve un playground haut de gamme – pas de goudron daté ni d’arceau rigide – juste au bord de l’eau. C’est là, au 54, quai Michelet, que se tient la première édition du tournoi que l’on connait aujourd’hui. Une adresse qui deviendra une étiquette, une marque, et qui incarnera une promesse. Les bases sont posées. Le Quai 54 est un tournoi de « streetball » (comprendre un basket non-joué dans un gymnase), mais pas seulement : il devient rapidement une vitrine de ce qu’on appelle aujourd’hui encore trop vulgairement, à défaut d’alternative, la « culture urbaine ».

Aujourd’hui, des jeunes des quartiers n’ont plus à aller chercher des personnages anglo-saxons comme exemples.

Hammadoun Sidibé

Les ingrédients qui font l’ambiance du Quai sont déjà là : déjà animée par Mokobe, le tournoi peut déjà compter sur les turntablists Izo, Nas ou Lord Issa qui sont aujourd’hui des figures majeures de l’événement et qui se chargent que la musique soit « on point ». Si le Quai 54 est à la base un « tournoi entre potes » comme le définit entre autres Amara Sy, MVP en 2012 et multiple vainqueur du tournoi, il est également le moyen de faire passer un message. « On voulait montrer qu’on peut venir des quartiers et être organisé. On voulait aussi montrer que tout ce qui a une résonance hip-hop et street n’est pas forcément négatif », commente Hammadoun Sidibé. « Pour une fois que ça vient des banlieues, personne ne va s’en plaindre. C’est une réalité positive qu’il fallait aussi mettre en avant », ajoute le légendaire Amara Sy, aujourd’hui joueur de Paris Basketball.

Inspirer les gens. C’est l’un des nombreux objectifs du Quai 54. Gratuit et ouvert à ses débuts, l’évènement a été victime de son succès et a dû devenir payant après l’édition 2015 et la rumeur d’une présence surprise de Michael Jordan, lui-même. La journée passe, la rumeur enfle, et 15 000 personnes se hâtent devant le Quai qui ne pouvaient même pas en accueillir la moitié, malheureusement. Les années suivantes, il a fallu limiter le nombre de places. « En réalité, c’est la meilleure chose qu’on a faite. Les gens sont plus cool mais l’envie est toujours là. Avec les récents et tragiques évènements en France, il y a des choses qu’on ne peut plus se permettre », témoigne Hammadoun Sidibé.

Le public du Quai 54 étant en grande partie composé de jeunes fans de basket, un des objectifs est aujourd’hui rempli pour Hammadoun Sidibé. « J’ai 44 ans aujourd’hui. Tous mes exemples de réussite sont des personnages anglo-saxons. Je n’ai jamais eu de figure de ce type en France. Aujourd’hui, à notre échelle, des jeunes des quartiers viennent chercher Hammadoun Sidibé et n’ont pas besoin d’aller chercher Russel Simmons ou Spike Lee comme j’ai pu le faire. Ça nous rend super heureux. On se dit qu’on a réussi à faire naitre quelque chose. »

Comme Hammadoun, le Quai 54 est évidemment inspiré des playground et tournois de streetball américains, véritable berceau de ces évènements. Mais cet esprit compétitif propre au basketball s’applique à tous les domaines. Si Rucker Park — mythique playground situé à Harlem et théâtre du fameux tournoi EBC — est le « papa » du Quai 54 comme le dit Hammadoun Sidibé, l’élève a aujourd’hui dépassé le maître. Parmi ces « petits frères » inspirés par Hammadoun, figure Sylvain Francisco, ancien meneur du Paris Basketball et nouveau joueur de Roanne en Jeep Elite. Malgré ses 22 ans, la pépite de Sevran était là depuis le début et a pu constater l’évolution du tournoi. « Je suis présent depuis la première édition parce que mes grands y jouaient quand j’étais gamin. Je connais Hammadoun et Amara depuis que je suis tout petit. C’est tout simplement devenu le plus gros tournoi de streetball au monde. » En 2019, Sylvain Francisco a soulevé le titre de champion du Quai 54 avec la mythique équipe de La Fusion, la plus titrée de l’histoire du Quai. « Mes grands perdaient souvent en finale alors un jour je leur ai dit que je gagnerai le Quai 54, et je l’ai fait. J’aime trop le challenge. »

Sylvain Francisco à Sevran

Cette inspiration américaine est d’ailleurs devenue une source de motivation, puis de fierté. Rapidement l’événement est passé d’un tournoi de basket entre Français à quelque chose d’international. Le Quai 54 a commencé à faire parler de lui, si bien qu’il n’y a jamais eu besoin de démarcher les équipes du monde entier car c’est elles qui réclamaient de venir se confronter aux teams présentes au Quai. Hammadou Sidibé recevait des appels d’équipes britanniques et allemandes, pour ne citer qu’elles. En 2019, Leandro Barbosa, champion NBA en 2015 avec les Warriors, a composé une team brésilienne qui s’est inclinée en finale. C’est d’ailleurs en réponse à ce phénomène que l’équipe de La Fusion a été créée. « De base, on voulait jouer entre potes. Donc sur les premières éditions on avait réparti les forces sur plusieurs équipes. Et le nombre de pros par effectif était limité. Mais on s’est vite aperçu que le niveau montait considérablement. Cela ne suffisait plus de jouer avec le cercle très proche. On a donc rassemblé les forces pour créer La Fusion qui est aujourd’hui l’équipe la plus titrée. C’est important de le préciser », explique Amara Sy, membre emblématique de La Fusion – battue par l’équipe YARD La Relève en 2015, on doit le rappeler !

La dimension internationale du Quai s’exprime aussi à travers son extrêmement réputé concours de dunk, dont Kadour Ziani, légende tricolore de la discipline, est aujourd’hui l’architecte : « Le Quai 54, c’est l’un des rendez-vous préférés des meilleurs dunkers du moment et de ceux en devenir. Chaque année ou presque, un dunkeur qui sort un peu de nulle part y est révélé. C’est le niveau à atteindre pour l’élite de la discipline, c’est la Champions League. » Kadour, plus de 20 ans après l’épopée de la Slam Nation qui l’a révélé comme phénomène aérien de la planète basket, martyrise aujourd’hui les cercles par procuration en s’occupant de la sélection d’athlètes pour le fameux concours. « Je fais un écrémage toute l’année. Je récompense au mérite les figures déjà confirmées que je propose à Hammadoun, mais je donne aussi la chance aux pépites du moment pour qu’ils explosent au Quai 54, comme Isaiah Rivera l’année dernière. C’est donc l’endroit favori pour les meilleurs du monde de venir s’expliquer et de remettre les pendules : c’est là où on montre vraiment qui est le boss. »

Il ne faut pas se méprendre sur les enjeux du Quai 54. Les joueurs s’y accordent : ils viennent pour s’amuser, mais pas uniquement. « J’y vais clairement pour gagner, témoigne Andrew Albicy, International français et vainqueur des éditions 2018 et 2019. On a des choses à prouver. Il y a beaucoup de trashtalk, ça fait partie du basket. Donc il faut répondre aux attentes. » Pour Amara Sy, il y a une dimension émotionnelle qu’il faut prendre en compte. « Pour les premiers participants, c’est notre bébé. On est là depuis le début, on a vu l’évènement grandir et prendre une dimension internationale. C’est une énorme fierté quand on en parle. Quand on participe, on met toute notre énergie. »

L’Amiral pèse ses mots. Cet esprit de compétition, cette détermination et cette énergie mise dans le tournoi sont telles qu’elles ont interpellé la Ligue nationale de basket. « Attention. On n’a jamais pris la compétition à la légère. Le porte-drapeau de cette compétition, Amara Sy, est comme mon petit frère. Il a emmené l’évènement très haut. On s’amuse mais on ne veut pas perdre. Des gens de la ligue nous ont même demandé comment nous faisions pour les rendre encore plus motivés qu’en club  ! », nous explique Hammadoun Sidibé.

Lapelcha-Goutte d’or BasketBall

Une anecdote contée par Andrew Albicy témoigne parfaitement de cet esprit de trashtalk et de compétition au Quai 54. « Pour l’édition 2018 Boris Diaw [champion NBA, champion d’Europe avec l’équipe de France, 247 sélections, ndlr] et moi étions en équipe de France donc nous sommes arrivés pour les quarts de finale. Notre équipe s’était qualifiée. Nous devions jouer avec La Fusion. Mais ils ont commencé à dire que comme on sortait de l’avion, on avait les jambes lourdes. Ils ont trouvé des excuses pour nous sortir de l’équipe. Ils ont même dit que le type de jeu pratiqué au Quai 54 ce n’était pas pour Boris. Mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’ils l’ont chauffé. Bismack Biyombo nous a fait de la place dans son équipe, Child Of Africa, qui jouait pour une association. Boris m’a dit : ‘Ils ont dit ça sur moi ? On va voir.’ Et finalement on a éclaté tout le monde, jusqu’à gagner le titre. Boris était injouable. Ils ont fait les malins, ils ont perdu. »

Mais ce n’est finalement rien d’étonnant. Que l’on soit en club, au Quai 54 ou sur un autre playground, on joue au basket pour se faire plaisir et gagner. Avec le Quai 54, certains retrouvent ce pour quoi ils ont commencé à jouer au basket. « C’est un basket 100 % plaisir. Quand ils sont en club, ils ont des restrictions », témoigne Hammadoun Sidibé. « C’est vraiment le show. Tu peux faire ce que tu veux, personne ne te dira rien. Au Quai 54 tu es plus libéré. En club c’est différent. Tu peux faire le show mais il faut marquer derrière, sinon le coach te crie dessus », admet Sylvain Francisco. « Au Quai je fais mes cross, mes passes dans le dos, mes petits dribbles. Les trucs que tu évites en club. Sylvain fait la distinction mais il joue comme ça que cela soit en club ou au quai. Il aime trop ça  ! », sourit Andrew.

Beaucoup se demandent si le niveau du Quai 54 est plus élevé que dans le monde professionnel, comme en Jeep Elite par exemple. Le basket du Quai, c’est un basket différent. Mais les principaux intéressés ont noté ce qui faisait la différence. « Les contrastes de niveau ne sont pas aussi visibles que dans le foot. Un amateur peut jouer contre un professionnel et être fort. C’est aussi pour ça qu’on a créé le Quai 54. Il n’y a pas de petits joueurs au Quai. Tu peux mélanger les niveaux sans que cela soit perceptible à l’œil nu », commente Hammadoun Sidibé. Amara Sy est plus nuancé sur la question. « C’est plus faible que la Jeep Elite, évidemment. Même si on arrive faire des additions de grosses individualités. Au Quai, il n’y pas de stratégies poussées comme en club. La cohésion n’est pas la même. »

Andrew Albicy

Cette motivation et cette énergie qu’on retrouve chez les joueurs lors du quai, c’est la même qu’Hammadoun et son équipe ont mis pour faire grandir le projet. Si Rucker Park fut une source d’inspiration, le but n’était pas d’imiter, mais de concurrencer. « L’important c’était de rivaliser. Quand je fais cet évènement, je suis en compétition. Il faut dire les choses comme elles sont. Le papa de tout ça, c’est le Rucker Park. Mais avec tout le respect que j’ai pour lui, je voulais faire une version encore plus grosse. Aujourd’hui, en termes d’impact, le Quai 54 est très puissant. On a bossé pour ça. » Mais pour dépasser le maître, il faut le battre. En 2005, Hammadoun Sidibé fut confronté à un premier gros test pour le Quai 54. L’équipe du rappeur américain Fat Joe avait fait le déplacement en France, avec le titre de « plus grosse équipe de streetball au monde » car sacrée à Rucker Park : l’équipe Terror Squad. Mais elle s’est cassée les dents sur les joueurs parisiens. « Quand ils sont venus et qu’ils ont perdu, j’étais content. Je me servais de ça pour légitimer mon tournoi, pour clamer le titre du plus gros tournoi de streetball au monde« , affirme fièrement Hammadoun Sidibé.

Battre une équipe américaine de streetball, en France, à Paris, ne pouvait pas passer inaperçu. Un an plus tard, en 2006, les premiers contacts sont pris avec la mythique marque Jordan. La reconnaissance ultime pour Hammadoun et son équipe. En 2009, Jordan devient sponsor officiel du tournoi. Une date marquante dans l’histoire du Quai 54. C’est à ce moment que le tournoi de streetball devient une marque. « Je tiens à remercier Gentry Humphrey, VP – Jordan, qui est à l’origine de cette collaboration. Il est venu à Paris et lorsqu’il a vu ce que nous faisions, il a voulu que le Quai soit un évènement Jordan. » Depuis, Jordan et le Quai 54 sont indissociables. « Quand tu es avec Jordan, tu es avec un label ‘basketball’ pur. De plus, avec la série ‘The Last Dance’, les gens nous disent qu’ils comprennent pourquoi on aime tant Michael Jordan. » Chaque année, une collection unique Jordan x Quai 54  est lancée et portée par les joueurs, le staff, ainsi que des athlètes NBA Jordan, comme le joueur des Celtics Jayson Tatum pour l’édition de 2020. En 2019, une collection exclusive aux couleurs franco-africaines fut créée, avec sur ses tissus les motifs et les couleurs du drapeau français, mais également un combiné de verts, de rouge et de jaunes, qui sont les couleurs panafricaines. Avec la collection 2020, les motifs choisis vont dans le sens de ce qui a été débuté en 2019 avec des patterns distinctifs qui rappellent que le Quai est aujourd’hui aussi tourné vers l’Afrique. Visuellement immanquable, symboliquement fort.

« Quand Jordan ramène des joueurs NBA, c’est super cool pour les jeunes. Tous n’ont pas la possibilité d’aller aux États-Unis et de voir un match NBA. Voir une star de si près, c’est génial pour eux. Si on les fait rêver, on est heureux. » L’édition 2019 a vu les présences Kemba Walker, Carmelo Anthony, Blake Griffin, Russell Westbrook et Maya Moore, véritable figure mondiale du basket féminin. Ils ont notamment pu juger le spectaculaire concours de dunk remporté par le talentueux Isaiah Rivera.

Auparavant, des légendes comme Scottie Pippen, Ray Allen ou encore Chris Paul avaient aussi foulé le parquet du Quai. Du côté des joueurs, ce partenariat et la présence des joueurs NBA a aussi un impact. « Ça ne change rien pour nous, témoigne Amara Sy. Qu’ils soient là ou pas, on jouera de la même manière. » Pour Andrew Albicy, Jordan a fait prendre une dimension totalement différente au Quai. « Tu ressens immédiatement l’influence car le quai c’est devenu l’occasion pour les gens de sortir leur meilleure paire de Jordan. Mais surtout ils font un gros travail au niveau de l’équipement et de l’organisation. On sent l’évolution en tant que joueur. On a beaucoup plus de privilèges qu’avant ; on a des vestiaires, des douches, des places pour nous, un espace pour manger… Le Quai de base, c’était le feu. Là ça l’est encore plus. » Pour les plus jeunes, Jordan rime automatiquement avec le Quai 54. « J’avais participé à une animation de mi-temps. J’avais 11 ans et si on gagnait on pouvait avoir une paire de Jordan. Ça m’a marqué », raconte Sylvain Francisco qui ne manque pas aujourd’hui de jouer en Jordan XIII dès qu’il en a l’occasion.

Le Quai de base, c’était le feu, là ça l’est encore plus.

Andrew Albicy

Mais il est important de rappeler que c’est le Quai 54, en tant que marque, en tant qu’événement incontournable, qui attire ce si beau monde. Que cela soit Jordan, les athlètes NBA, ou bien même les artistes. L’année 2010 est également considérée comme beaucoup pour un tournant. L’anecdote qui va suivre est le meilleur exemple pour comprendre à quel point l’attrait pour le Quai 54 va dans les deux sens. Cette année-là, Hammadoun Sidibé arrive à faire venir Ludacris pour une performance au Quai 54, grâce à Jordan. « C’était déjà beaucoup. On savait qu’on attirait des équipes américaines mais là il s’agit d’artistes. » Pendant le show de Ludacris, qui a succédé à Kery James, Usher était sur le bord du terrain. Le légendaire crooner n’était pas censé performer. Mais pris dans l’atmosphère électrique du Quai, il a demandé un micro et s’est invité sur la scène. « Personne n’était prêt. Il est arrivé comme ça par surprise. C’est à ce moment précis que le Quai a pris une autre dimension. Rien que d’en parler, je me rappelle de la folie que c’était. On a vécu un truc exceptionnel. C’est un des moments qui m’a le plus marqué au Quai », en frissonne encore Amara Sy, qui en a pourtant vécu.

Usher a été impressionné par le Quai. Et ce n’est pas le seul. Les athlètes NBA sont surpris de ce qu’ils voient à Paris, malgré leur statut de super guest chaque année. « Quand ils viennent, ils disent que même aux États-Unis il n’y a pas ça. Et ce sont les mots de Carmelo Anthony, pas les miens [« C’est le nouveau Rucker Park, pour le reste du monde », déclarait l’ancien joueur des Knicks de New York en 2014, ndlr]. On est arrivé à un stade où des stars NBA contactent directement Hammadoun. Tout le monde veut venir voir ce que ça donne de ses propres yeux. Carmelo Anthony a gardé un selfie réalisé au Quai 54 en photo de profil pendant deux ans  ! », commente Amara Sy.

Outre le basketball, c’est aussi Paris et sa culture que le Quai 54 fait briller. Place de la Concorde, le Palais Tokyo et le Trocadéro pour ne citer qu’eux. Tous ces lieux mythiques parisiens se sont vus poser sur leur sol le parquet du Quai 54. « On est un cas d’école. Des gens ne comprennent pas qu’on nous ait accordé tous ces endroits. Pourquoi  ? Parce qu’on est organisés. On est dans une super ville, c’est beau de le montrer. Je suis fier de vivre à Paris. On reste dans notre esprit d’authenticité et on remercie la ville de Paris pour ça », se félicite Hammadoun Sidibé.

D’un tournoi de basket, à une marque planétaire, le Quai 54 est devenu un véritable évènement culturel. Un lieu d’exposition pour le basket et toute sa culture. Cela passe par le rayonnement des banlieues, par l’affirmation du hip-hop, mais aussi du monde de la mode. « La provocation ce n’est pas que dans les matches de basket. La manière de s’habiller est importante. C’est un tournoi de basket mais je dirais aussi que c’est un tournoi de mode. Un véritable défilé. Grâce au Quai 54 les gens découvrent toute cette culture », analyse justement Sylvain Francisco. « Il y a tous les gens de Paris. On y voit les artistes parisiens. Il y a aussi des artistes américains mais c’est surtout le monde parisien qui est enveloppé dans le Quai. C’est devenu le lieu où il faut être », ajoute Andrew Albicy.

On reproche aujourd’hui au Quai 54 d’être devenu bling bling, mais pour les concernés, ce n’est pas une critique car cela fait partie de la culture basket. Une marque qui collabore avec Jordan ne peut qu’être bling bling, c’est même fait pour ça. Pour briller. « Les gens qui disent ça confondent beaucoup de choses. Le Quai 54 a toujours été bling bling parce qu’on est « street chic » et pas « street ghetto ». Il y a des personnes bien habillées. C’est un évènement culturel. C’est notre Roland Garros. On peut briller et être authentique. Jay-Z, c’est un rappeur. Il est authentique dans son rap mais il brille beaucoup. Nous c’est pareil », nuance habilement Hamadou Sidibé.

Aujourd’hui, tous ces ingrédients font que le Quai 54 fête cette année sa 17e bougie. Mais parmi tous ces facteurs de réussite, un sort du lot pour Hammadoun Sidibé. « Si je dois sortir un ingrédient, c’est mon équipe. Les gens avec qui je travaille.  L’idée vient de moi mais je n’aurais pas pu obtenir ce résultat sans mon équipe : Thibault de Longeville, Said Elouardi, Ama Gassama et Almamy Kanouté. Sans oublier Mokobe, évidemment, et les DJs qui sont venus dès la première édition, avec le cœur : Lord Issa, Izo et Nas. Si je dois recommencer 100 fois, ça sera avec la même équipe. Je suis persuadé que sans eux, le quai ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. »

Et le Grand Paris comme théâtre, toujours, tant le Quai 54 symbolise la culture basket parisienne autant qu’il s’en nourrit. Le vrai « pour nous, par nous », depuis le début de l’aventure il y a 17 ans au 54, quai Michelet à Levallois, et jusqu’au bout d’une histoire pas prête de s’éteindre.

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