Pour Converse, Tyler, The Creator dit ce qu’il pense des Grammys, d’Odd Future et de la Fashion Week

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Tyler, The Creator était l’invité surprise de l’évènement Creative All Star Series de Converse. À travers une conférence de plus d’une heure, l’artiste a répondu aux questions de ses fans et abordé tous les sujets de son actualité chaude.

Les 13, 14 et 15 février dernier, Converse réunissait à Londres les grandes énergies créatives qui gravitent autour de la marque pour un évènement spécial, les Creative All Star Series. Celles-ci étaient articulées autour de trois principaux axes, « LEARN », « CRAFT » et « CELEBRATE », avec l’idée de permettre à chacun de laisser libre court à son imagination. C’est ainsi que le public a pu retravailler le modèle Pro Leather à travers divers workshops menés par les designers anglais Feng Chen Weng ou Eastwood Danso, échanger avec Stéphane Ashpool et l’illustrateur Wu Yue sur ce qui inspire leur processus créatif, et se déchainer lors de soirées hostées par le rappeur Octavian ou le crew de skateurs nigérians Motherlan.

Mais un tel évènement n’aurait pu se dérouler sans la figure numéro 1 de Converse en 2020, à savoir Tyler, The Creator. Tout récent lauréat du Meilleur album rap aux Grammy Awards, cérémonie qui l’a vu délivrer une performance époustouflante, l’artiste de 28 ans est venu conclure une programmation riche par une conférence au cours de laquelle il a répondu aux questions de ses fans. L’occasion pour lui d’évoquer sur son actualité récente, sa perception du monde de la mode et (toujours) une hypothétique reformation de Odd Future… Morceaux choisis.

… sur sa victoire aux Grammy Awards et le déroulement de la cérémonie :

« J’en suis reconnaissant mais d’un côté, c’est tout ce que je mérite. Je sais que je suis chaud. Je sais que je suis bourré de talent. Je sais que je suis frais. [rires] Je sais déjà tout ça. Ça a mis du temps avant de j’en prenne conscience et que j’arrive à ces conclusions, mais je savais que tout ça allait m’arriver. Et je suis déjà excité pour les dix prochaines années parce que je ne sais pas encore ce que je ferai, mais je sais que ce sera un truc de malade. Après c’est vrai que monter sur la scène des Grammy et être finalement reconnu pour la musique que je fais, quand tu vois le nombre de trucs qui sortent tous les jours et qui pètent tout, ça fait putain de plaisir. Et c’est pourquoi j’étais aussi excité. »

« Mais autant ça m’a fait plaisir de gagner un prix, autant je disais déjà à mes proches avant la cérémonie que réaliser cette performance était tout ce qui m’importait réellement. Faire un show de ce genre sur une plateforme aussi importante, en ayant la possibilité de faire un album cut… Parce que c’est pas comme si j’avais fait « EARFQUAKE » ou un single quelqu’il soit, au contraire : j’ai choisi de performer la piste 6 de ce disque. Et ils m’ont laissé faire. À partir de là, mon but était de tout exploser sur la scène des Grammy. Et c’est ce qui s’est passé. On a plus parlé de cette performance que toutes les autres qui ont eu lieu ce soir-là. Je ne voulais pas seulement faire une « bonne » performance au sens où ils l’entendent, une performance faite pour plaire à tout le monde. Je voulais leur dire : ‘Voilà ! Pour moi, c’est ÇA qui est chaud !' »

… sur ce qu’il n’aime pas dans le monde de la mode :

« La course à l’édition limitée et au sold out rapide. Tout n’a pas nécessairement besoin d’être toujours sold out, c’est aussi cool quand les vêtements sont là et qu’on peut se les procurer. Beaucoup de marques sortent des pièces en seulement dix exemplaires juste pour dire qu’elle sont sold out. »

« Je n’aime pas non plus le resell. Ça commence à devenir n’importe quoi. Avant ça allait encore, mais des fois je me dis : « Mais gros, pourquoi est-ce que t’as mis ça à la revente ? Ce sont des putains de boxers usagés ! » [rires]« 

« Autrement, les ambiances tapis rouges peuvent être sympas, mais je trouve ça bête de voir les gens porter des vêtements qui ne sont pas les leurs juste pour le tapis rouge. Tout ça pour que les gens les voient super bien habillés dans des vêtements qu’ils ne porterait pas autrement. Et quand la cérémonie est finie, ils doivent les rendre à quelqu’un… Portez vos vêtements, c’est tout ! À quoi bon se montrer en robe Gucci si la robe en question ne t’appartient pas ? Tu es juste en train de mentir aux gens qui te voient dans cette tenue en pensant que c’est la tienne parce que c’est ce que tu as voulu leur faire croire. C’est tellement ridicule, juste venez en t-shirt ! »

« Le concept de la Fashion Week est un peu dépassé. Tu dépenses énormément d’argent, de temps et de stress pour sept minutes de défilé devant des gens qui n’en ont pas grand chose à foutre. »

Tyler, The Creator

… sur une hypothétique reformation de Odd Future :

« Il y a 9 chances sur 7 que ça n’arrive jamais. Je serais ouvert à l’idée, mais je pense que tout le monde est passé à autre chose et que ceux qui réclament un nouveau projet Odd Future parlent à travers la nostalgie, sans se demander si ce serait vraiment une bonne chose. On n’a pas forcément besoin d’un Bad Boys 5 – quand bien même j’ai aimé le dernier. Il y a des tapes Odd Future qui sont toujours là, donc si ça vous manque : juste écoutez-les. Puis honnêtement, ces tapes n’étaient pas si bonnes que ça. C’était juste marrant de les faire à l’époque, on s’amusait bien. Mais musicalement, on aurait pu faire mieux. C’était bien pour l’époque, mais aujourd’hui… En plus de ça, je ne sais même pas si nos styles respectifs pourraient bien se mélanger dans un projet cohérent. Mais qui sait ? Tout pourrait très bien changer en l’espace de six semaines. »

… sur l’influence de son environnement sur ses créations :

« Ton environnement joue un rôle par rapport à tes goûts, et tout plein de choses comme ça. Je me rappelle que pour la collection 2014 de Golf Wang, j’avais imaginé des caleçons de bains. Et je me souviens que les commentaires disaient : « Mais pourquoi est-ce que tu sors des caleçons de bain en décembre ? Imbécile ! » Et de mon côté, je regardais la météo de chez moi et je me disais : « Bah… Parce qu’il fait grave chaud, vous êtes cons ou quoi ? » J’étais tellement dans ma bulle, que je n’avais même pas réalisé que dans plein d’autres endroits, il faisait super froid. Parce que moi, je ne vois jamais la neige. Donc quand je prépare mes collections, je fais des shorts parce que je sais que le soleil sera là en décembre. À Los Angeles, il fait toujours très clair, les couleur sont très saturées, et j’imagine que c’est pour ça que j’aime ce genre de tons, le roses, les bleus très vifs, etc. Pareil pour le fait que dans l’esthétique, j’aime les montagnes, ou le fait de rider à vélo : c’est tout ce que je connais. Et ce que je dis là sera peut-être évident pour tout le monde, mais vu comme je suis con, je ne l’ai réalisé que la semaine dernière. [rires]« 

… sur sa consommation de drogue et d’alcool :

« Je n’ai jamais voulu boire. Ça ne m’a jamais intéressé. Ne vous méprenez pas : j’ai été défoncé à peine deux fois dans ma vie. La première, c’était quand j’avais 17 ans, j’ai fumé de la weed et je me juste suis dit : « C’est pas fun. » Et la seconde, c’était lors du nouvel an 2010, j’étais au studio et j’ai pris un petit morceau de space cake en mode « Nique, ça ne va pas me tuer » et ça m’a suffit pour me dire qu’on ne m’y reprendra pas. Chacun son truc, mais ce n’est pas pour moi. Je suis quelqu’un qui peut très vite être addict, donc j’ai le sentiment que si je commençais à boire ou fumer, ce serait le début de la fin pour moi. Puis je n’en ai même pas envie, c’est toi. Quand je vois les gens qui, au lendemain d’une cuite, sont là en train de pleurer à base de « Je regrette ce que j’ai dit », j’ai envie de leur répondre : 1- Ne remet pas la faute sur l’alcool, et 2- C’est probablement tout ce que tu voulais dire, mais tu étais juste trop lâche pour être honnête. Je ne veux pas être ce genre de personne et avoir à me cacher derrière l’alcool : je préfère te dire les choses droit dans les yeux, sobre, et ne pas avoir de regret. »

« Je peux t’assurer qu’aucun des autres nommés dans ma catégorie n’aurait pu monter la scène des Grammy et donner la performance que j’ai donnée. »

Tyler, The Creator

… sur la Fashion Week :

« Ce n’est que mon avis, mais je trouve que le concept de la Fashion Week est un peu dépassé. C’est pour ça que je mets plus l’accent sur la vidéo quand il s’agit de dévoiler mes collections. Parce que la Fashion Week, ça revient à quoi ? Tu dépenses énormément d’argent, de temps et de stress pour sept minutes de défilé devant des gens qui n’en ont pas grand chose à foutre et sont juste là pour poster sur Instagram et faire savoir qu’ils sont là. En plus, tu fais se déplacer des gens à travers le monde, et à part si tu es Chanel ou Louis Vuitton, ça te coûte très cher. »

« Pour quel résultat ? Aujourd’hui, si tu veux voir les images du défilé de telle ou telle marque, tu vas où ? [Quelqu’un dans le public répond : “Internet”] C’est ça, Internet ! C’est là que ça va finir. Alors au lieu d’organiser un défilé, autant faire une vidéo à travers laquelle je fais vivre les vêtements dans un univers que j’ai défini, en choisissant les angles et les détails que je veux mettre en avant – et que les gens n’auraient sans doute pas remarqué sur le runway. Ça me permet d’économiser de l’argent, en sachant que, de toutes façons, la vidéo finira au même endroit que finissent les vidéos des défilés de Chanel, Louis Vuitton ou n’importe quelle autre marque. Et je peux avoir le contrôle sur tout, simplement parce que j’ai décidé de ne pas suivre ces règles qui sont là depuis 40 ans. C’est important de réaliser que même si ça marche peut-être pour eux, je ne suis pas nécessairement obligé de faire pareil. »

… sur les étiquettes qu’on lui colle dans le milieu :

« Tout au long de ma vie, j’ai été plus ou moins rejeté par bon nombre de mes pairs. Et ça ne me posait pas de problèmes parce que j’étais content de pouvoir faire les choses à ma manière. Puis c’est ce qui me pousse, dans le fond. Par exemple, DJ Akademiks ne poste jamais quoique ce soit de positif à mon sujet. Ok, pas de soucis. Dans ce cas on ira faire la cover de GQ ou Fantastic Man. Les rappeurs dorment sur moi ? Je balance “Telephone Calls” et je prouve que je peux tenir tête à n’importe lequel de ces n*gros. C’est ce qui me motive parce que dans tous les cas, je ne me suis jamais vraiment senti accepté – notamment dans le rap. Vous dites que je ne mérite pas mon Grammy ? Je peux t’assurer qu’aucun des autres nommés dans ma catégorie n’aurait pu monter sur scène et donner la performance que j’ai donnée. Je te le garantis. « 

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